Accueil contrasté de la réélection du président Nkurunziza à la tête du Burundi
Politique

PANA, 25 juillet 2015

Bujumbura, Burundi - Le Conseil national pour la défense de la démocratie/forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD, au pouvoir), trois candidats malheureux, ainsi que le maire de la ville de Bujumbura, Saidi Djuma, et une organisation de la société civile locale ont tour à tour félicité chaleureusement le chef de l’Etat sortant, Pierre Nkurunziza, au lendemain de sa "brillante" réélection à la tête du pays, contrairement à certains ténors de l’opposition qui disaient n’être pas concernés ou encore moins prêts à reconnaitre les résultats d’un scrutin qu’ils ont boycotté pour protester contre des "manquements graves" dans son organisation.

Le chef de file de l’opposition, Agathon Rwasa qui avait appelé au boycott du scrutin, s’étonne aujourd’hui de la provenance exacte et réelle des 18% de suffrages qui lui sont revenus au terme de la proclamation, vendredi, des résultats de la présidentielle par la Commission électorale nationale indépendante (CENI).

Le président de la CENI, Pierre Claver Ndayicariye, a martelé, vendredi, que huit candidats ont bel et bien concouru à la présidentielle du moment qu’ils figuraient tous sur le bulletin unique de vote et n’avaient pas cherché à retirer par écrits leurs dossiers.

Dans le camp des heureux, il y a en tête, Pascal Nyabenda, l’actuel président du CNDD-FDD, pour qui le score de près de 70% des suffrages qui sont allés au candidat Nkurunziza est avant tout une preuve suffisante que le parti ne sait pas tromper du choix, en le mettant en avant.

Le maire de la ville de Bujumbura, de son côté, a estimé que la réélection de Pierre Nkurunziza était une chance à saisir à bras ouverts et porteuse de plus de progrès socio-économiques au cours de ces cinq années de son nouveau mandat, remerciant les électeurs qui lui ont donné des voix dans une capitale où le taux de participation n’a cependant pas atteint les 30%.

L’abstention était néanmoins prévisible pour nombre d’observateurs dans une capitale qui a servi d’épicentre au mouvement de contestation des ces trois derniers mois de la candidature du chef de l’Etat sortant qui a été encore amplifié par l’appel au boycott de l’opposition solidement implantée à Bujumbura.

Les candidats malheureux, Jacques Bigirimana, d’une aile minoritaire dissidente des forces nationales de libération (FNL) et Gérard Nduwayo, d’une autre faction minoritaire de l’unité pour le progrès nationale (UPRONA, ex-parti unique) se sont également acquittés du devoir de féliciter le chef de l’Etat pour sa "brillante" réélection, tout en lui rappelant qu’un gouvernement d’union nationale pouvait calmer la situation de crise qui perdure au Burundi.

M. Bigirimana est allé encore plus loin dans le fair play, en sollicitant la grâce présidentielle en faveur des prisonniers politiques qui ont été arrêtés pour leur participation au mouvement populaire parfois violent et durement réprimé par la police de contestation de la candidature du chef de l’Etat sortant pour un troisième mandat à la tête du pays.

Au niveau international, l’heure est plutôt à la condamnation d’une élection n’a pas répondu aux normes démocratiques de transparence, d’inclusion et d’équité, surtout en l’absence des partis politiques de l’opposition et des médias indépendants qui ont été obligés de fermer les portes quand ils n’ont pas été détruits physiquement dans la crise préélectorale de ces trois derniers mois.

Les Etats-Unis d’Amérique, l’Union européenne (UE) ou encore le rapport préliminaire d’observation de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) abondent tous dans le sens de dire que le scrutin présidentiel n’a pas répondu aux normes internationales pour être crédible.

En interne encore, le puissant parti du CNDD-FDD, au pouvoir depuis 2005 au sortir du maquis, était parvenu difficilement à faire pencher la balance en faveur de la candidature de Pierre Nkurunziza lors du congrès extraordinaire houleux du 25 avril dernier.

Plusieurs ténors du CNDD-FDD ont affiché publiquement leur opposition à la candidature du président Nkurunziza pour un troisième mandat en affirmant, eux aussi, qu’elle violait la Constitution et l’Accord d’Arusha.

Les frondeurs comptent parmi les plus proches du parti et du chef de l’Etat comme son ancien Porte-parole, Léonidas Hatungimana ou encore le Porte-parole du CNDD-FDD, lui-même, Onésime Nduwimana.

La fronde a été encore accentuée par des départs en exil d’autres poids lourds du parti et dignitaires du régime comme l’ancien président de l’Assemblée nationale, Pie Ntavyohanyuma et l’ex-deuxième vice-président de la république du Burundi, en charge des questions économiques et sociales, Gervais Rufyikiri, sans toutefois décourager le CNDD-FDD qui a bravé d’autres conseils externes en allant pratiquement seul dans les élections et obtenu gain de cause sur toute la ligne.

Le parti présidentiel est sorti vainqueur du double scrutin des communales et des législatives du 29 juin dernier, avant de vaincre sans partage lors des sénatoriales de ce vendredi.

"Il fallait organiser les élections et passer au développement du pays", a déclaré à chaud, de son côté, le porte-parole du président de la république, Willy Nyamitwe.

De hauts gradés de l’armée et de la police burundaises se sont encore invités dans la crise préélectorale, à la mi-mai dernier, en tenant un coup de force contre le régime pour "restaurer la concorde nationale".

Les mêmes mutins sont réapparus dernièrement pour revendiquer des attaques armées circonscrites aux provinces du Nord du pays et appelées à se généraliser jusqu’à faire partir le président Nkurunziza, disaient-ils après avoir essuyé encore de lourdres pertes humaines dans leurs rangs.

Même si la complexe crise politique venait à passer, nombreux sont encore les observateurs avisés qui prédisent une crise économique tout aussi porteuse de danger pour la paix sociale, surtout que les principaux bailleurs financiers menacent de prendre des sanctions en fermant le robinet si le dialogue entre tous les acteurs politiques ne venait pas à reprendre pour assainir la situation délétère au Burundi.

Les activités économiques continuent à tourner au ralenti après bientôt trois mois de chicanes politiques dans un pays qui dépend pour plus de 50% des aides extérieures à son développement.