Burundi : Rwasa prend l’opinion de court en intégrant le nouveau Parlement
Politique

PANA, 27 juillet 2015

Le chef de file de l’opposition intègre la nouvelle Assemblée nationale du Burundi

Bujumbura, Burundi - Le leader historique des forces nationales de libération (Fnl, principal parti politique de l’opposition), Agathon Rwasa, a pris de court, lundi, l’opinion, en répondant présent à la convocation de la première session ordinaire de la nouvelle Assemblée nationale dont il avait pourtant boycotté le scrutin du 29 juin et refusé à l’avance les résultats qui en sortiraient dans les conditions de son organisation qui n’incluaient pas tous les acteurs politiques intéressés, a-t-on constaté sur place à Kigobe, le siège officiel de la chambre basse du parlement burundais.

L’analyse et l’adoption d’un projet de règlement d’ordre intérieur ainsi que l’élection d’un bureau sont les deux seuls points qui devaient être abordés au courant de la journée de lundi par les 104 des 121 députés qui ont répondu présents à cette première session de la nouvelle Assemblée nationale.

Malgré son appel au boycott des législatives, Agathon Rwasa s’était retrouvé élu dans la circonscription de Ngozi, sa province natale du nord du Burundi.

Lors de la présidentielle du 21 juillet dernier, M. Rwasa s’était encore retrouvé avec plus de 18% des suffrages exprimés malgré un nouvel appel au boycott de cet autre scrutin qui a été finalement remporté haut la main et sans grande surprise par le chef de l’Etat sortant, Pierre Nkurunziza, dont la candidature pour un troisième mandat était toutefois contestée dans les milieux de l’opposition et des organisations de la société civile.

Dans son explication du score qu’il venait de réaliser contre toute attente, M. Rwasa avait affirmé qu’il s’agissait là d’une « soif de changement » qui anime les Burundais.

Des responsables administratifs à la base ont laissé entendre à plusieurs reprises que le chef de file de l’opposition avait opté pour la tactique du « porte-à-porte » pour mobiliser l’électorat, malgré l’appel au boycott de « façade ».

Sur le plan personnel, l’ancien chef rebelle (Agathon Rwasa) met ainsi fin à une longue traversée du désert qui durait depuis son boycott des précédentes élections générales « entachées d’irrégularités » de 2010 et un exil forcé de plus de deux ans qui s’en est suivi.

Sur le plan politique, sa participation aux nouvelles institutions élues, dans un climat de controverses et de tensions, va leur donner une certaine légitimité inespérée par le pouvoir entrant, de l’avis général des observateurs avisés à Bujumbura.

L’incompréhension risque, par contre, d’être grande au niveau de la base électorale qui a payé un lourd tribut pour avoir suivi le mot d’ordre de ce leader de l’opposition de manifester contre le troisième mandat controversé du chef de l’Etat sortant.

Le mouvement de contestation a été durement réprimé par la police, à en croire un rapport de la principale association nationale de défense des droits humains et des prisonniers (Aprodh) qui parle d’au moins 90 personnes qui ont perdu leurs vies dans les manifestations des mois de mai et juin derniers ainsi que des conditions de détention inhumaines et dégradantes ou encore de disparitions non élucidées.

L’opposition, en général, s’était unie autour du mot d’ordre de boycott du processus électoral de cette année qui n’était pas « inclusif et apaisé » pour donner des résultats «crédibles».

La participation aux nouvelles institutions de M. Rwasa est encore de nature à déstabiliser le reste de l’opposition dont les tractations du moment oscillent entre la demande de la reprise du dialogue et le refus catégorique de reconnaître les nouvelles institutions issues d’élections controversées, sans toutefois proposer une autre alternative encore claire, selon les mêmes observateurs de la scène politique nationale.

La médiation de la sous-région, conduite par le chef de l’Etat ougandais, Yoweri Kaguta Museveni, semble aussi avoir pris acte et tourné la page du contentieux électoral pour pousser plutôt dans le sens de la reprise du dialogue entre les différents acteurs politiques locaux en vue de la mise en place d’un gouvernement d’union nationale ouvert aussi bien aux élus qu’aux opposants, y compris ceux qui n’auront pas pris part aux différentes consultations populaires de cette année pour apaiser le climat politique toujours délétère au Burundi.

Le fonctionnement normal des nouvelles institutions dépend aussi pour beaucoup de l’évolution des positions de certains bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux de la Communauté internationale qui ont condamné des élections tenues dans un climat qui ne permettait pas la transparence et le libre choix des électeurs à cause surtout de l’insécurité liée aux agissements de jeunes miliciens à la solde de partis politiques.

On rappelle que le Conseil national pour la défense de la démocratie/forces de défense de la démocratie (Cndd-Fdd, au pouvoir) a enchaîné des victoires écrasantes aux différents scrutins des communales et des législatives, puis à la présidentielle et enfin aux sénatoriales de ces dernières semaines d’un marathon électoral qui doit culminer, au mois d’août prochain par le choix de nouveaux chefs de quartiers et de collines, les plus petites entités administratives à la base au Burundi.