Au Burundi, le début d’un cycle de négociations ?
Opinion

La Croix, 2/8/15 

Explications de Christian Thibon, professeur d’histoire à l’Université de Pau et spécialiste de l’Afrique des Grands Lacs

Le Burundi est plongé dans une profonde crise politique depuis la candidature anticonstitutionnelle, fin avril, de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat.

Le mouvement de contestation a été sévèrement réprimé et le président sortant a été réélu, la semaine dernière, avec près de 70 % des voix au cours d’élections boycottées par le camp adverse.

« L’élection du principal opposant, Agathon Rwasa, au poste de vice-président de l’Assemblée nationale du Burundi marque le début d’un cycle de négociations. Il a été élu avec 108 des 112 voix des députés. Ce score montre qu’il a non seulement été soutenu par ses partisans, mais aussi par le CNDD-FDD, le parti du président, ultra-majoritaire au Parlement.

Cette élection est clairement un geste politique de la part du pouvoir envers l’opposition. Mais cette manœuvre ne vise-t-elle pas aussi à diviser l’opposition?

UNE OPPOSITION SANS LEADER ET SANS LIGNE

Pour l’instant, l’élection d’Agathon Rwasa provoque l’étonnement dans son propre camp. Ses principaux colistiers se sentent trahis, même si tous les acteurs politiques restent prudents étant donné l’enjeu des négociations à venir: sortir le pays de la crise politique dans laquelle il est plongé, depuis fin avril. Son positionnement divise encore plus une opposition déjà hétérogène. Sans leader et sans ligne directrice, celle-ci a été bien plus le jouet que l’acteur des récents événements.

Agathon Rwasa justifie son ralliement car sa deuxième place à l’élection présidentielle légitime, selon lui, sa position. Pour l’heure, il préfère rejeter toute épreuve de force, privilégiant une négociation dans le cadre des institutions. Tout ceci conforte le président Nkurunziza qui dispose désormais d’une nouvelle carte: celle du dialogue.

DES POURPARLERS IMPOSÉS PAR L’ÉCONOMIE

La formation d’un gouvernement d’union nationale pourrait être une voie de sortie de crise. Ce scénario, de plus en plus envisagé, soulève de nouveaux problèmes institutionnels: la participation des partis dans un gouvernement suppose leur présence au Parlement. Or, aujourd’hui, ils refusent d’y siéger, contrairement à Agathon Rwasa.

La situation économique du pays – l’un des plus pauvres du monde – impose ces pourparlers. Ces longues négociations donneront lieu à des compromissions, des retournements et des alliances en apparence contre-nature, mais nécessaires pour mettre fin à la crise politique ».

Propos recueillis par Kozi Pastakia