Mort du Général Nshimirimana : Analyse critique du discours de Nkurunziza
Opinion

@rib News, 03/08/2015

Par Pacifique Nininahazwe *

A 24 jours de la fin de ses 10 ans de pouvoir, Pierre Nkurunziza s'adresse à la Nation pour la toute première fois à la suite de l'assassinat d'un citoyen burundais. Il a fait un hommage appuyé au Général Adolphe Nshimirimana pour les services rendus à la Nation et a demandé au peuple burundais de suivre l'exemple de la sagesse, de l'amour et du patriotisme du Général assassiné ce matin.

Une bonne partie de ce message était particulièrement adressée à la population de Kamenge qui est restée calme alors que les quartiers environnants participaient aux manifestations (à "l'insurrection" selon Nkurunziza) et lui a demandé de maîtriser sa colère comme le ferait le Général Nshimirimana dans cette période difficile.

Bien plus, Pierre Nkurunziza donne 7 jours aux services de sécurité pour connaître et arrêter les assassins du Général Adolphe Nshimirimana, une injonction plutôt bizarre dans un pays où plusieurs dossiers d'assassinats n'ont jamais abouti et spécialement des dossiers qui citaient le nom du général assassiné : assassinat de l'échangeur Pacifique Brown Ndarishikanye en 2006, assassinat de l'activiste anti-corruption Ernest Manirumva en avril 2009, massacres de Gatumba en septembre 2011, centaines d'exécutions de militants du FNL après les élections de 2010, assassinats de trois sœurs italiennes en septembre 2014, etc.

Le délai de sept jours donné aux services de sécurité (et pas même à la justice) donne l'impression que les assassins sont désignés d'avance et pourrait devenir un prétexte pour une répression aveugle.

Ce message à la Nation confirme aussi l'importance du Général Nshimirimana dans le système d'un président qui semblait jusqu'ici insensible à la mort de ses citoyens. En mars 2009, le Général de Brigade Salum Ndikumana, Commandant en second du contingent burundais en Somalie est mort dans un crash d'avion, mais Pierre Nkurunziza ne s'est même pas déplacé à l'Aéroport pour accueillir la dépouille de son général. En septembre 2009, le Général Major Juvénal Niyoyunguruza, Commandant en second de l'AMISOM a été assassiné par les El-Shabab somaliens, Pierre Nkurunziza n'a rien dit et s'est montré en train de chanter dans une église le jour des obsèques du général.

Au moins à trois reprises, le contingent burundais en Somalie a connu des pertes énormes, Pierre Nkurunziza n'a jamais salué les dépouilles de ceux qu'il avait envoyés se battre pour la paix en dehors du Burundi. En avril 2009, tout le Burundi et la communauté diplomatique ont été choqués par l'assassinat du Vice-Président de l'OLUCOME Ernest Manirumva et une campagne vigoureuse de recherche de la vérité sur cet assassinat a duré plus de 5 ans: Pierre Nkurunziza n'a jamais prononcé le nom Ernest Manirumva.

Des centaines de citoyens ont été exécutés de 2010 à 2013 parce qu'ils avaient le tort d'appartenir au FNL d'Agathon Rwasa, une centaine de jeunes citoyens ont été tués depuis avril 2015 juste parce qu'ils protestaient contre le 3ème mandat, le Président de l'UPD-Zigamibanga Zedi Feruzi a été assassiné: Pierre Nkurunziza est resté muet!

Juste une fois, Nkurunziza s'est déplacé sur le lieu de massacres des citoyens et a parlé: en septembre 2011 à Gatumba. En une journée, il savait les auteurs du massacre et demandait aux services de renseignements de la région d'arrêter ...ses opposants Agathon Rwasa et Alexis Sinduhije.

Plus tard, les enquêtes de la RPA ont révélé une piste menant vers Adolphe Nshimirimana : celui-ci n'a jamais comparu en justice et le témoin clé Nzarabu a été appuyé par le SNR dans son évasion avant de mourir assassiné quelques mois plus tard. Maintenant il donne 7 jours à son armée et à sa police pour trouver les assassins, espérons qu'on n'assistera pas à la répétition générale de pratiques déjà connues.

L'assassinat du Général Adolphe Nshimirimana est inacceptable et justice doit être faite. Mais il est impérieux d'organiser une enquête indépendante, sérieuse, respectueuse des procédures et des garanties légales. Une enquête internationale s'il le faut. Sinon, l'enquête sur l'assassinat du Général enfoncera davantage le Burundi dans une crise profonde et inextricable.

* Texte reprise sur son compte facebook