Burundi : une commission accuse les opposants d’être des insurgés, liés au putsch
Justice

@rib News, 11/09/2015 – Source AFP

La contestation contre un 3e mandat du président Pierre Nkurunziza au Burundi est un « mouvement insurrectionnel », initié par les principaux dirigeants de l’opposition et de la société civile, estime une commission d’enquête qui les accuse d’être liés aux meneurs de la tentative de putsch de mai.

Les « manifestations enclenchées le 26 avril 2015 n’ont respecté aucune règle établie » en matière de manifestations publiques (notamment une demande d’autorisation préalable) et sont « par conséquent un mouvement insurrectionnel » punissable devant la justice, indique dans son rapport « la Commission d’enquête chargée de faire la lumière sur le mouvement insurrectionnel déclenché le 26 avril ».

Cette commission, composée de quatre magistrats nommés par le Parquet, accuse nommément 25 associations membres de la campagne « Halte au 3e mandat », six partis ou coalition d’opposition (MSD, Frodebu, Frodebu-Nyakuri, UPD, Indépendants de l’espoir et ADC) et certains de leurs dirigeants, ainsi que, sans les nommer, des militaires, policiers et hommes et femmes d’affaires d’être « à l’actif de ce mouvement insurrectionnel ».

Parmi les hommes politiques visés figurent Alexis Sinduhije, président en exil du MSD, mais aussi Jean Minani, président du Frodebu-Nyakuri, Charles Nditije des Indépendants de l’Espoir, Léonce Ngendakumana président du Frodebu et de la coalition ADC, ainsi que les deux anciens présidents Sylvestre Ntibantunganya et Domitien Ndayizeye, ces cinq derniers toujours au Burundi.

Ce rapport « a été commandité par le pouvoir Nkurunziza pour incriminer tous les anti-3e mandat », a accusé M. Nditije. « C’est une parodie de justice qui n’a aucune crédibilité judiciaire », a-t-il ajouté pointant notamment que le rapport n’évoque pas les manifestants tués par la police.

Sont également pointés du doigt, parmi d’autres, Pierre-Claver Mbonimpa, défenseur des droits de l’Homme reconnu, soigné à l’étranger après une tentative d’assassinat début août, Pacifique Nininahazwe et Vital Nshimirimana, figures de la société civile ayant pris le chemin de l’exil.

Les magistrats affirment que les organisateurs des manifestations étaient en « concertation étroite » avec « ceux qui préparaient le coup d’Etat » des 13 et 14 mai. « Le putsch est donc venu en couronnement à l’insurrection », juge la Commission, présidée par Adolphe Manirakiza, premier substitut du procureur général.

Elle recommande que « tous ceux qui sont repris dans la liste des responsables » soient « traduits en justice » pour les infractions pénales qui leur sont reprochées mais aussi tenus pour civilement responsables des dégâts causés par les manifestations, qu’elle estime à environ 32 millions de dollars. Elle admet ne pas connaître le bilan humain de la contestation (tués ou blessés).

La Commission indique que 28 soldats et policiers ont été arrêtés pour leur participation à la tentative de coup d’Etat.

« Ce rapport est choquant car il met (…) dans le même sac les responsables de manifestations politiques et les auteurs d’une tentative de coup d’Etat », a réagi sous le couvert de l’anonymat, un diplomate en poste à Bujumbura.

« On va voir si le pouvoir va lui donner une suite judiciaire », a-t-il ajouté, « mais on peut dire déjà qu’il referme pratiquement les portes à un véritable dialogue » avec l’opposition.

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