Burundi : Les radios privées indépendantes se sont éteintes à la mi-mai dernier
Droits de l'Homme

PANA, 14 septembre 2015

Les perspectives restent sombres quatre mois après la fermeture des médias indépendants au Burundi

Bujumbura, Burundi - La fermeture des radios privées indépendantes pour des besoins d’enquête sur leur rôle présumé dans le relai d’un mouvement jugé « insurrectionnel » par le pouvoir est entrée lundi dans le quatrième mois, sans perspectives sûres et apparentes pour les professionnels des médias en détresse de les voir rouvrir pour bientôt.

Les voix les plus écoutées de la radio publique africaine (RPA), Bonesha FM, Isanganiro et la radiotélévision Renaissance se sont éteintes à la mi-mai dernier, après avoir ouvert grandement leurs antennes au chef des mutins, le général Godefroid Niyombare, pour annoncer un putsch militaire contre le régime du Président Nkurunziza.

La radio Rema FM, organe d’expression du Conseil national pour la défense de la démocratie/forces de défense de la démocratie (Cndd-Fdd, parti au pouvoir) est aujourd’hui encore logée à la même enseigne après sa destruction physique au lendemain de la tentative de putsch par des individus non encore clairement connus.

La tentative de putsch qui est intervenue au plus fort du mouvement populaire de contestation du pouvoir a fait long feu et pour suivre l’actualité politique et sécuritaire toujours chaude du pays, les auditeurs et téléspectateurs n’ont eu d’autres choix que de se rabattre sur la radiotélévision nationale du Burundi (RTNB, gouvernementale) qui doit la montée en flèche de son audimat au silence obligé des consœurs privées indépendantes.

Le gros des responsables et journalistes de ces radios privées indépendantes végètent en exil, essentiellement au Rwanda voisin, par peur pour leur sécurité.

Le président de l’observatoire de la presse au Burundi (Opb, organe d’autorégulation), en même temps directeur général de Télé-renaissance, première chaîne de radiotélévision privée indépendante à voir le jour au Burundi, Innocent Muhozi, résiste encore à la tentation  de s’exiler comme l’ont déjà fait une soixantaine de ses confrères.

M. Muhozi ne voit même pas comment les médias en cause pourraient être autorisés à reprendre des activités normales dans le contexte socio-politique national qui reste défavorable à l’exercice libre de la profession journalistique.

Le pouvoir, quant à lui, reste campé sur la position de l’indépendance de la justice qui enquête toujours sur le rôle réel des médias dans le mouvement insurrectionnel des mois d’avril et juin derniers qui avait été déclenché par l’opposition et des organisations de la société civile contre la candidature du Président Pierre Nkurunziza pour un troisième mandat jugé « inconstitutionnel » et contre l’accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie sur la paix et la réconciliation nationale.

Les conséquences sociales de cette longue fermeture des médias privés indépendants se font sentir dans les déclarations de leurs anciens salariés ainsi que les familles qui ont perdu des revenus et se sont disloquées dans certains cas à cause de l’exil à l’étranger ou la clandestinité à l’intérieur du pays.

La réouverture des médias figure par ailleurs en bonne place dans les revendications des « anti-troisième mandat » qui ne désespèrent pas de la reprise du dialogue avec le pouvoir pour normaliser globalement la situation socio-politique du pays qui reste marqué par un contentieux électoral mal résolu.