Vers l'ouverture d’un dialogue avec l’opposition sur la crise politique au Burundi
Politique

PANA, 16 septembre 2015

Bujumbura, Burundi - Le président de l’Assemblée nationale, en même temps leader du Conseil national pour la défense de la démocratie/Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD, parti dirigeant), Pascal Nyabenda, a annoncé, mercredi, sur les antennes de la radio d’Etat burundaise, qu’un dialogue "inclusif" allait s’ouvrir "très prochainement", en vue d’assainir le climat sociopolitique qui n’a cessé de se dégrader au cours de ces cinq derniers mois de conflit électoral aujourd’hui encore mal résolu entre le pouvoir et l’opposition.

Aucune précision exacte de dates, de lieu ou de la médiation dans ce dialogue n’a toutefois été donnée par le numéro deux du pays qui, pour la première fois depuis la fin du processus électoral mouvementé de ces derniers mois, a tendu la main et sondé ainsi une opposition toujours radicale sur ses exigences de remettre le compteur à zéro en vue de nouvelles consultations populaires plus apaisées, inclusives, transparentes, démocratiques et crédibles.

Pour M. Nyabenda, il reviendra au gouvernement d’orienter ce dialogue dans tous les aspects pratiques et politiques sur une crise qui commence à prendre une tournure dangereuse comme lors de la récente tentative d’assassinat du chef d’état-major de l’armée nationale, le général Prime Niyongabo ou encore dans le cas des assassinats ciblés dirigés contre des responsables de partis politiques ou de leurs militants et sympathisants, sans que l’on sache pour le moment les exécutants et les commanditaires de cette dérive sécuritaire post-électorale au Burundi.

Fort de son succès électoral à tous les niveaux, le CNDD-FDD a multiplié, ces derniers temps, des déclarations qui balisent à priori les contours de ce dialogue en mettant en avant la souveraineté nationale dans le règlement de la crise au Burundi qui a déjà usé et découragé plus d’un médiateur de la communauté internationale.

Les envoyés spéciaux de l’Organisation des Nations-Unies (ONU), Said Djinit et de l’Union africaine (UA), Abdoulaye Batilly ont été, tour à tour, récusés par l’opposition et le pouvoir pour leur côté supposé "penchant"  envers l’une ou l’autre partie à la crise électorale au centre de laquelle se trouvait la validité ou non de la candidature du président Pierre Nkurunziza pour un troisième mandat à la tête du pays et qu’il a fini par avoir.

Le président de l’Ouganda, Yoweri Kaguta Museveni a été ensuite mandaté en médiateur de la «dernière chance» par la communauté de l’Afrique de l’Est dont fait partie le Burundi, mais sans plus de succès, là aussi que les précédents, malgré son expérience dans la facilitation des négociations inter burundaises qui avaient débouché, en août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur un accord de paix et de réconciliation nationale après des années de guerre civile dans le pays.

Le nouveau dialogue post électoral ne se présente pas non plus sous de bons auspices à en croire toujours le président de l’Assemblée nationale qui a avisé que les poursuites judiciaires en cours iraient à leur terme pour que soient sanctionnés conformément à la loi ceux des leaders politiques de l’opposition interne et en exil qui ont eu un rôle à jouer dans les troubles électoraux de ces derniers mois et la tentative de putsch militaire qui s’en est suivie.

C’est plus de la moitié des leaders politiques de l’opposition en exil à l’étranger ou dans la clandestinité intérieure qui sont visés par ces poursuites judiciaires, indique un récent rapport qui a été commandité par le gouvernement sur les responsables des casses qui ont été occasionnées par le "mouvement insurrectionnel" des mois passés contre le troisième mandat présidentiel jugé "inconstitutionnel" et contraire à l’Accord d’Arusha par les mis en cause.

Les mêmes opposants ne désarment pas et veulent aller dans d’éventuelles négociations avec le pouvoir en rangs serrés.

Au mois d’août dernier, ils ont crée un Conseil national pour la défense de l’Accord d’Arusha et la restauration de l’Etat de droit (CNARED).

Le dernier communiqué du CNARED, daté de Bruxelles, en Belgique, n’y va pas de main morte et en veut toujours au «forcing vers un troisième mandat de Pierre Nkurunziza qui a conduit le Burundi dans une situation politique et sécuritaire qui met quotidiennement en danger les acquis d’Arusha pour la Paix et la Réconciliation au Burundi».

Cette principale coalition de l’opposition burundaise du moment appelle encore à des sanctions internationales "ciblées" contre le président Pierre Nkurunziza et son entourage pour les pousser à négocier et éviter que le pays ne retombe dans la violence.

On rappelle que parmi les figures marquantes du CNARED figure le chef historique de la rébellion du CNDD-FDD, actuellement au pouvoir, Léonard Nyangoma.

D’autres cadres dirigeants du CNARED sont, entre autres, l’ancien président de l’Assemblée nationale du Burundi et frondeur du CNDD-FDD, Pie Ntavyohanyuma ou encore l’ex-vice-président de la république en charge des questions économiques et sociales, Gervais Rufyikiri.

Les anciens Porte-parole du CNDD-FDD, Onésime Nduwimana et du président de la république, Léonidas Hatungimana sont également dans les rouages du CNARED.

Les ex-présidents de la république du Burundi, Domitien Ndayizeye et Sylvestre Ntibantunganya, en même temps Sénateurs à vie, sont également dans le Conseil des sages du CNARED.

Le pouvoir ne croise pas non plus les bras dans ce jeu politique à l’issue pour le moment incertaine.

L’ancien chef de file de l’opposition, Agathon Rwasa a accepté, contre toute attente dans l’opinion, de collaborer avec le pouvoir, moyennant le poste de vice-président de l’Assemblée nationale qui est en fait en même temps le numéro trois du pays et cinq ministères dans le nouveau gouvernement à dominante CNDD-FDD.

Une aubaine pour le pouvoir qui a su compter, ces derniers temps, sur les services de l’ancien chef rebelle pour aller expliquer dans des missions officielles à l’étranger qu’il y a aujourd’hui un partage effectif du pouvoir avec l’opposition au Burundi.

Le plus restreint gouvernement de 20 membres de ces dix dernières années au Burundi laissent les observateurs attentifs aux questions politiques de l’heure qu’il y a encore de la place à l’opposition dans la perspective de la reprise du dialogue national inclusif.