Burundi : Des citoyens excédés et traumatisés par l’insécurité persistante
Sécurité

PANA, 19 septembre 2015

Attitude résignée de paisibles citoyens face à la persistance de l’insécurité au Burundi

Bujumbura, Burundi - Des citoyens, de plus en plus excédés et traumatisés, surtout à Bujumbura, la capitale du pays, par l’insécurité persistante depuis le début du mouvement de contestation du troisième mandat présidentiel, fin avril dernier, ironisent aujourd’hui sur leur sort, en trouvant plutôt "anormal" de ne pas entendre, parfois de jour et souvent de nuit, des coups de feu et des explosions de grenades consécutifs à des affrontements entre les forces de l’ordre et des groupes d’individus qui ne veulent pas encore se réclamer clairement d’un quelconque bord.

Le silence des armes signifie encore pour les mêmes citoyens, qui s’en remettent plutôt à Dieu pour gagner un jour de plus sur la vie devenue précaire par la force des choses au Burundi, que les acteurs invisibles de l’insécurité marquent une pause pour recharger les batteries et mieux rebondir.

Cette situation d’insécurité est d’autant plus préoccupante qu’elle commence à s’étendre aux quartiers et à des régions de l’intérieur du pays qui étaient jusque-là restées en dehors du mouvement de contestation du troisième mandat du chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, à sa propre succession et qui a fini par arriver à son but, en se faisant réélire sur un score plus que confortable de près de 70% des suffrages exprimés.

Le quartier populaire de Kamenge et fief présidentiel connu, plus au nord de la ville de Bujumbura, a été le théâtre d’une tentative d’assassinat à la grenade d’un policier dans la nuit de vendredi à samedi.

Le responsable administratif de la zone nord de Bujumbura dont fait partie Kamenge, Rémy Barampama, a sévèrement mis en garde des individus ou groupes d’individus, sans les nommer, qui veulent étendre l’insécurité aux quartiers qui n’étaient pas jusque-là entrés dans le bal de la contestation du pouvoir.

Dans la même partie nord de la capitale burundaise, le quartier contestataire de Mutakura en était samedi à son troisième jour de blocus total par des éléments de la police nationale qui ne laissent passer personne.

L’intervention dans ce quartier populaire retranché faisait suite à des coups de feu et des explosions de grenades qui ont ciblé des policiers en patrouille, jeudi dernier.

Des opérations "coup de poing" se sont encore intensifiées ces derniers temps dans d’autres quartiers contestataires du centre et du nord de la ville de Bujumbura où subsistent des cas d’insécurité alimentaire par des groupes d’individus non encore connus.

Les bilans de ce genre d’opérations policières échappent généralement à la connaissance de l’opinion, surtout qu’ils ne sont pas ouverts à la couverture médiatique.

Les réseaux sociaux tentent de suppléer à la destruction des médias privés indépendants dans la crise, parfois en exagérant ou en transgressant par ignorance l’éthique de la profession journalistique par l’exhibition de photos insoutenables à la vue de supposées victimes de la répression policière.

Les enlèvements et la torture sont d’autres cas qui défraient régulièrement la chronique des internautes burundais particulièrement actifs et alertes sur les réseaux sociaux pour briser le blackout médiatique du moment au Burundi où pratiquement la radiotélévision d’Etat est la seule audible, avec néanmoins beaucoup de retenue.

Lors de son investiture pour un nouveau mandat, le 21 août dernier, le chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, avait donné trois semaines aux corps de défense et de sécurité pour mettre fin à l’insécurité par la saisie des armes encore détenues illégalement par des civils, surtout à Bujumbura où le pire a entre temps failli arriver le 9 septembre dernier, suite à une tentative manquée d’assassinat du chef d’état-major général de l’armée burundaise, le général Prime Niyongabo.

Le numéro 2 de l’armée burundaise a eu plus de chances que certains autres hauts gradés, comme le général Adolphe Nshimirimana, un ancien proche conseiller du chef de l’Etat burundais en matière de sécurité qui a été abattu à la roquette le 2 août dernier en pleine journée à Bujumbura.

Le colonel à la retraite et ancien chef d’état-major de l’armée nationale, Jean Bikomagu, quant à lui, a été abattu à bout portant par un commando non identifié le 15 septembre dernier, toujours à Bujumbura.

Les premiers éléments d’enquêtes du ministère public ont mis en cause des hommes en uniforme de l’armée burundaise dans la tentative d’assassinat du chef d’état-major général et la consommation du forfait qui a emporté le général Nshimirimana.

Le procureur général de la république, Valentin Bagorikunda, a encore annoncé jeudi l’émission de mandats d’arrêt internationaux contre plusieurs opposants politiques qui ont eu un rôle à jouer dans les violences électorales de ces derniers mois dont les dégâts ont été estimés par la même source à plus de 33 millions de dollars us.

Les dégâts humains des violences électorales de ces cinq derniers mois, quant à eux, ont franchi le seuil d’une centaine de personnes tuées, selon diverses sources des défenseurs des droits humains à Bujumbura.

A l’intérieur du pays, le calme de ces derniers mois de crise commence également à se fissurer comme cela a été le cas durant la nuit de vendredi à samedi au cours de laquelle une attaque armée non encore revendiquée a ciblé le chef-lieu de Cankuzo, une province aux confins Est du Burundi, frontalière avec la Tanzanie voisine, sans que l’on connaisse pour le moment les auteurs, ainsi que les dégâts humains et matériels éventuels occasionnés par cette opération qui a été confirmée de source administrative locale.

L’attaque intervient après des informations de sources administratives et policières locales faisant état d’un mouvement massif de jeunes qui ont été appréhendés par centaines dans des bus de transport en commun sur leur route vers la Tanzanie.

Le mouvement est diversement justifié par les prévenus qui disent vouloir aller en Tanzanie à la recherche de travail rémunéré au moment où l’administration et la police restent convaincues qu’ils cherchent plutôt à aller grossir les rangs de "groupes de malfaiteurs" qui s’entraînent au maniement des armes pour revenir perturber la sécurité dans le pays d’origine à des fins non encore connues.

Le Porte-parole du Conseil national pour la défense de la démocratie/forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD, parti présidentiel), Daniel Jérase Ndabirabe a déclaré samedi que le dialogue allait s’ouvrir sur la situation socio-politique et sécuritaire toujours préoccupante dans le pays.

Le dialogue que préconise le CNDD-FDD n’empêchera pas à la justice de poursuivre son travail, a-t-il avisé, ajoutant que les Burundais discuteront entre eux, sans intervention de la médiation internationale dont la nécessité ne se fait plus sentir maintenant que le processus électoral est arrivé à son terme.