Nouvelles violences à Bangui en Centrafrique
Afrique

@rib News, 28/09/15 – Source Reuters

Quatre personnes au moins ont péri dimanche dans de nouvelles violences intercommunautaires à Bangui, au lendemain d'affrontements qui ont fait 21 morts et une centaine de blessés dans la capitale centrafricaine, a-t-on appris de sources médicales.

Le gouvernement intérimaire a affirmé que les responsables de ces troubles cherchaient à empêcher les élections prévues le mois prochain. Il a instauré un couvre-feu nocturne de six heures du soir à six heures du matin.

Des miliciens chrétiens armés de fusils d'assaut et de machettes sont descendus dans la journée dans les rues de la capitale où des barricades ont été érigées.

Aux premières heures de dimanche, des jeunes gens en colère ont abattu des troncs d'arbres pour bloquer les grandes artères de la ville. Des soldats de la force des Nations unies, la Minusca, ont tiré des gaz lacrymogènes avenue Boganda et tenté, en vain, de les faire partir.

Des témoins ont signalé des tirs sporadiques dans certains quartiers et assisté au pillage d'habitations et de commerces.

Les violences de samedi ont été commises par des musulmans en représailles au meurtre d'un des leurs dans Bangui.

Ce sont les heurts les plus meurtriers depuis le début de l'année dans la ville, où des troupes françaises et des casques bleus de l'Onu s'emploient à maintenir la sécurité.

Des musulmans ont quitté leur fief du 3e arrondissement de la capitale et ont ouvert le feu dans le 5e arrondissement, un quartier majoritairement chrétien de la ville, où des maisons et des voitures ont été incendiées. Des milliers d'habitants ont dû fuir vers d'autres quartiers de la capitale.

Le siège de la Voix de la Paix, radio musulmane de la capitale, et une église du 5e arrondissement comptent parmi les bâtiments attaqués.

Le quartier a été survolé par des hélicoptères de la Minusca, la force des Nations unies dans le pays, mais rien n'a vraiment été entrepris pour faire cesser les attaques, ont déclaré des habitants.

Un représentant de la société civile, Gervais Lakossa, a appelé la population à lancer sans attendre "un mouvement de désobéissance civile" et a demandé le déploiement dans la ville des forces armées centrafricaines (FACA), l'armée nationale.

ELECTIONS EN OCTOBRE

"Ça suffit maintenant. Nous voulons que (la présidente Catherine) Samba-Panza s'en aille. Depuis qu'elle est là, les musulmans tuent en toute impunité. Elle ne fait rien pour les désarmer", a déploré dimanche un manifestant, qui s'exprimait sous le couvert de l'anonymat.

Le ministre de la Sécurité, Dominique Saïd Paguindji, a imputé la responsabilité de ces violences à des éléments des milices chrétiennes "anti-balaka", de l'alliance musulmane Séléka et à des partisans de l'ex-président François Bozizé qui chercheraient à semer le chaos pour le faire revenir au pouvoir.

Ces groupes armés ne se soumettent pas à la logique du désarmement et veulent diviser le pays, a-t-il dit. Tous ces gens ont le même intérêt à vouloir gâcher la transition et empêcher les élections à venir.

"Le gouvernement demande à la population de ne pas se laisser manipuler par les extrémistes qui cherchent à mettre le feu au pays pour satisfaire leurs égoïstes ambitions politiques", a déclaré à la radio Dominique Saïd Paguindji.

Les électeurs centrafricains doivent élire un nouveau président et un nouveau parlement le 18 octobre afin de remplacer le gouvernementintérimaire dirigé par la présidente Catherine Samba-Panza. Les préparatifs du scrutin traînent en longueur et le chef du parlement intérimaire a laissé entendre que le vote pourrait être à nouveau reporté.

Bangui a été épargnée par les violences pendant des mois jusqu'à de récentes attaques à la grenade qui ont fait deux morts et de nombreux blessés le 10 septembre dernier.

La République centrafricaine avait sombré dans le chaos en mars 2013 quand les rebelles de la Séléka, en majorité musulmans, avaient pris le pouvoir, entraînant une riposte des miliciens anti-balaka et une partition de facto du pays.

La France avait envoyé sur place plusieurs milliers de soldats fin 2013 pour tenter de ramener le calme. La force française Sangaris a aujourd'hui réduit ses effectifs, se réarticulant pour atteindre son format actuel de force de réaction rapide en appui de la Minusca.

Environ 900 militaires sont déployés dans l'opération Sangaris aux côtés des 10.500 militaires et policiers de la Minusca, selon le ministère français de la Défense.

La présidente de Centrafrique regagne prématurément son pays

Le présidente de la République centrafricaine, Catherine Samba-Panza, a quitté prématurément l'Assemblée générale des Nations unies à New York pour regagner son pays en raison des violences qui secouent Bangui, ont déclaré deux diplomates occidentaux.

Une trentaine de personnes sont mortes depuis samedi dans la capitale de la RCA lors d'affrontements intercommunautaires, les pires violences cette année dans la ville.

Catherine Samba-Panza "a quitté New York (lundi) pour rentrer en Centrafrique en raison de la situation sécuritaire", a indiqué un diplomate.

Lundi, les casques bleus de la Minusca ont tiré en l'air pour disperser des milliers de manifestants réclamant le réarmement des Forces armées centrafricaines, ce que refuse l'Onu. Au moins une personne a été tuée.

Selon une source haut placée dans la gendarmerie, plusieurs centaines de détenus se sont en outre évadés de la prison de Ngaraba, la principale prison de Bangui.

Le gouvernement intérimaire a déclaré que les responsables de ces troubles cherchaient à empêcher les élections prévues le mois prochain dans le cadre du processus de transition.

Un couvre-feu nocturne a été instauré à Bangui, où patrouillent les casques bleus de la Minusca appuyés par les militaires français de l'opération Sangaris.

Des coups de feu ont malgré tout éclaté lundi soir dans la ville, où peu d'habitants s'étaient aventurés dans la journée.

L'absence de Bangui de Catherine Samba-Panza et de hauts responsables de la Minusca explique en partie cette éruption de violence, a estimé un haut diplomate occidental, regrettant que la Minusca n'ait pas réagi assez vite.

L'armée a été mise sur la touche en 2013 après la prise du pouvoir des rebelles du Nord, majoritairement musulmans, regroupés au sein de l'alliance Séléka.

Le gouvernement de transition mis en place avec le soutien de l'Onu en 2014 refuse de réarmer les Faca dont certains officiers ont été liés aux milices "anti-balaka" qui ont exercé par la suite des représailles contre les musulmans.

Certains de ces miliciens contrôlaient lundi soir des points de contrôle dans la capitale. Au cours de la nuit, deux gendarmes ont été blessés dans l'attaque d'un poste de police par des anti-balaka, a déclaré la police.

Un journaliste de Reuters a vu le cadavre d'un jeune homme dans une rue de la ville lundi. Des témoins ont dit qu'il avait été tué par des miliciens anti-balaka.

La Croix-Rouge a déclaré qu'elle ne pouvait établir de bilan précis des victimes car ses employés sont interdits d'accès dans certains quartiers par des manifestants ou des bandes armées.

L'Unicef a déclaré que des mineurs étaient visés dans les violences. Elle a fait état de la mort de trois adolescents âgés de 16 et 17 ans, dont l'un a été décapité.

Le processus de transition engagé en janvier 2014 devait aboutir à la tenue d'élections présidentielle et législatives le 18 octobre prochain, mais tout le monde s'attend désormais à ce qu'elles soient reportées.