Burundi : jeunes et policiers s'affrontent à la grenade à Bujumbura
Sécurité

RFI, 04-10-2015

Des affrontements ont lieu ce samedi après-midi dans le nord du quartier de Mutakura, à Bujumbura. Ce sont les premières violences qui se déroulent en journée depuis la réélection du président burundais Pierre Nkurunziza le 21 juillet.

Jeunes et forces de police ont échangé des tirs et des grenades ce samedi à Bujumbura, dans le quartier de Mutakura, qui avait fortement contesté la réélection du président Pierre Nkurunziza. Il y aurait au moins deux morts du côté des jeunes, selon la police. Mais pour l'heure, les raisons de ces affrontements sont encore floues.

« Vers 11h, quand la police était en train de faire sa patrouille, ils ont trouvé des jeunes gens qui étaient assis sur la route qui emmène vers Buterere, rapporte un habitant du quartier. Les jeunes ont fui vers une maison qui a été brûlée (…). Deux jeunes gens ont été tués et puis les gens ont commencé à faire une démarche pour récupérer ceux qui ont été appréhendés. On a lancé des grenades, on a beaucoup tué. Jusque maintenant, 19h, on ne peut pas aller dans les boutiques, toutes les avenues étaient barrées. Les gens qui étaient au travail n’ont pas pu rentrer, ils sont à l’extérieur du quartier. On ne peut même pas aller chez un voisin, parce que tout est bloqué. »

Le porte-parole adjoint de la police de Bujumbura, Pierre Nkurikiye, n'a pas la même version des faits. Selon lui, c'est pour éviter une tentative d'enlèvement que les policiers sont intervenus dans le quartier de Mutakura et que la situation a dégénéré.

« La police faisait ses activités de routine et arrivée dans la zone de Cibitoke, au niveau de Mutakura, elle a été alertée par des gens qui disaient qu’ils venaient de voir des personnes arriver avec trois individus et que ces individus étaient conduits dans une maison, raconte le porte-parole adjoint de la police de Bujumbura. Alors la police est intervenue pour tenter de libérer ces personnes. Au moment où elle est arrivée près de cette maison, elle s’est vue attaquée à la grenade par ces criminels. Jusqu’à maintenant, plus de vingt grenades ont été déjà lancées sur des policiers. Des grenades qui ont déjà blessé des policiers. Deux maisons également ont été brûlées par ces grenades. On a aussi deux de ces criminels tués, plusieurs autres ont été appréhendés, parmi lesquels on a des Rwandais. »

L'origine des cadavres élucidée ?

Pour Pierre Nkurikiye, l'intervention policière a permis d’élucider l'origine des corps sans vie qui sont retrouvés presque chaque matin dans les rues de certains quartiers contestataires de la capitale. La semaine dernière, une quinzaine de cadavres ont été retrouvés. « Pour le cas de Mutakura, les personnes qui avaient été enlevées, les informateurs nous disent qu’elles allaient être utilisées comme bouclier humain par des criminels, puis qu’elles allaient être assassinées pour être retrouvées demain matin, explique-t-il. Cela va faciliter les enquêtes. Ces derniers jours, il y a eu des découvertes de cadavres dans certains endroits et la police faisait des enquêtes pour chaque cas. Maintenant la police sait au moins que certains des gens qui en enlèvent d’autres, qui les tuent et qui jettent leurs cadavres dans certaines localités, ont été appréhendés et sont connus. Cela va faciliter les enquêtes pour les autres. »

Mais pour Carina Tersakian, chercheuse à Human Rights Watch, les événements de samedi ne sont pas suffisants pour faire la lumière sur ces meurtres puisqu"il n'y a toujours pas d'information fiable pour la grande majorité des personnes assassinées et retrouvées dans les rues de Bujumbura. « Il y a très, très peu d'informations qui permettent de savoir les circonstances de ces morts, donc ce qu'il faut absolument ce sont des enquêtes approfondies pour vraiment savoir ce qui se passe, indique-t-elle. Et pour le moment, malheureusement, malgré de nombreuses promesses, les autorités burundaises ne semblent pas avoir évolué dans le sens de la justice par rapport à ces meurtres. Donc le fait que ces personnes aient été arrêtées ne représente pas en soi un avancement en termes de justice. Mais d'une manière plus générale, ce qui nous inquiète surtout c'est que le système judiciaire au Burundi manque d'indépendance et que les autorités politiques s'ingèrent souvent dans le système de la justice. Dans les dizaines de cas qui ont eu lieu ces dernières semaines, les familles attendent toujours la justice. »