Burundi : L’UA dans une posture de "médecin après la mort", selon certains
Opinion

Le Pays, 18/10/2015

Violence au Burundi :

L’UA  veut se donner bonne conscience à peu de frais

 « Seul le couteau sait ce qu’il y a au cœur de la pastèque », dit un proverbe africain. Si ce proverbe a sa part de vérité, on n’a pas aujourd’hui besoin d’être un clerc pour savoir que l’Union africaine (UA) a récemment raté l’occasion de se taire.

En effet, le Conseil paix et sécurité de l’instance panafricaine vient d’annoncer le lancement d’une enquête sur les violations des droits de l’Homme au Burundi, qui sera suivie de sanctions contre les auteurs de violences.

Quand on sait que, de par le passé, l’Union européenne, Amnesty International et la Commission des droits de l’Homme des Nations unies avaient déjà produit des rapports  qui avaient nommément épinglé les responsables de l’escalade de la violence au Burundi, l’on est tenté de s’interroger sur l’opportunité d’un nouveau rapport sur le même sujet au Burundi.

Un autre rapport pour quoi faire encore ? A moins que l’UA ne veuille nous produire un rapport complaisant, en cherchant à discréditer les précédents. Cette hypothèse est d’autant plausible que l’on voit mal l’UA se permettre d’accabler le président Pierre Nkurunziza dont les mains ne sont pas plus dégoulinantes de sang que celles de certains de ses pairs africains.

Cela dit, il ne serait pas surprenant de voir l’UA jeter un pavé dans la mare en nous produisant un rapport qui dédouanera le président pasteur, tout en imputant la responsabilité de la violence à l’opposition. Qu’importe l’hypothèse qui prospérera à la suite de l’enquête de l’UA.

Dans sa posture actuelle de médecin après la mort, l’UA cherche à se rattraper

Il faut déplorer le fait que les responsables des violences n’encourront que les sanctions suivantes : interdiction de voyager et gel des avoirs. Une véritable bouillie pour les chats, dans la mesure où l’histoire nous a assez convaincus de l’inopérationnalité des sanctions de cet acabit qui n’ont jamais contribué à dissuader les auteurs de la violence ni à libérer le peuple qui en fait les frais.

Si dans sa démarche, l’UA était sincère et animée d’une réelle volonté, elle devrait plutôt s’évertuer à organiser le départ – de façon honorable – du président-pasteur Nkurunziza en lui trouvant un tabernacle éloigné de Bujumbura pour une retraite politique et spirituelle. Car, tant que Nkurunziza sera toujours au pouvoir, la violence continuera de se porter comme un charme au Burundi, eu égard à la soif inextinguible des Burundais pour l’alternance.

On aurait voulu, qu’après avoir qualifié récemment les putschistes burkinabè de « terroristes », l’UA fasse preuve de constance dans sa fermeté contre les ennemis de la démocratie au Burundi. Hélas, celle-ci a choisi de nous montrer qu’elle sait aussi porter la soutane d’un « pasteur caméléon ».

Mais il faut comprendre que l’UA, en décidant de commanditer  une enquête sur les violences au Burundi, cherche à éviter le jugement de l’Histoire qui  pourrait l’incriminer pour sa passivité dans la crise burundaise. De fait, elle fait une fuite en avant tout en se donnant bonne conscience, à peu de frais, elle qui n’a rien fait en amont pour prévenir un conflit pré et post-électoral.

Dans sa posture actuelle de médecin après la mort, l’UA cherche à se rattraper en jouant au Ponce Pilate pour montrer aux yeux du monde qu’elle n’est pas restée les bras croisés dans la crise burundaise. Et que dans tous les cas, elle aura pris des initiatives pour pacifier le Burundi. Mais comme le dit un proverbe africain, « d’un os sec, on ne retirera jamais de la moelle ».

Adama KABORE