Burundi : le jour où le président Melchior Ndadaye fut assassiné
Politique

Jeune Afrique, 21 octobre 2015

 Les événements du 21 octobre 1993 provoquent une onde de choc au Burundi. L’assassinat du président Melchior Ndadaye, juste 100 jours après son investiture à la tête du pays, va conduire le petit pays de la région des Grands-Lacs vers 15 ans de guerre civile.

Il est à peine deux heures du matin, ce jeudi 21 octobre à Bujumbura quand le journaliste de Jeune Afrique Laurent Giraudineau est réveillé par des crépitements de balles. Alors qu’il réside à l’hôtel « Source du Nil », jouxtant le palais présidentiel, il est sur le point d’assister à l’un des plus sanglants coups d’État que le Burundi ait connu.

À travers sa fenêtre, il voit sur l’esplanade de l’hôtel éclairée par les balles traçantes, des soldats courir, et entre les palmiers, un blindé léger se retourner vers le portail du palais présidentiel. Les putschistes essentiellement composés des éléments du 1er bataillon blindé appuyés par des paras commandos donnent l’assaut à la présidence. Les échanges de coups de feu vont durer plus de 45 minutes. Des obus tirés par les putschistes finiront par détruire une partie du palais et une des façades de l’hôtel « Source du Nil ».

Une fuite de courte durée

Après 8h du matin, un blindé de la garde présidentielle emmène Melchior Ndadaye et sa famille « pour les protéger » : une protection qui se révèle être un traquenard pour le président. Si sa femme et ses enfants trouveront refuge à l’ambassade de France, lui va connaître un autre sort.

Conseillé par l’un de ses aides de camp, il aurait revêtu un treillis militaire avant de s’engouffrer en sa compagnie dans un véhicule blindé. Un subterfuge qui leur aura permis de passer entre les mailles du filet des putschistes mais la fuite sera de courte durée.  Son aide de camp aurait proposé au président Melchior Ndadaye de le déposer dans son quartier d’origine où il aurait pu trouver des gens pour le cacher mais Ndadaye aurait refusé.

Il a décidé de continuer à faire confiance à sa garde présidentielle d’où le choix de se rendre au camp Muha, siège de la garde présidentielle de l’époque à Bujumbura.  À peine arrivé à l’intérieur du camp, les putschistes ont encerclé  la caserne et exigé qu’on leur remette Melchior Ndadaye  sous menace de faire sauter les bâtiments.

Vers 9h du matin après d’âpres discussions, les responsables de la garde présidentielle auraient livré le président aux parachutistes.  Le président Ndadaye sera assassiné aux environs de 10h, il aura les vertèbres brisées. Son corps sera retrouvé quelques jours plus tard, enterré au cimetière de Ruziba au sud de la capitale. Il sera exhumé le 30 octobre, avant d’être transporté à la Brasserie Limonaderie de Bujumbura, la Brarudi.

Le flou demeure quant aux circonstances exactes de son exhumation. Le dossier sur l’assassinat de Melchior Ndadaye n’a pas encore révélé tous ses secrets jusqu’au jour d’aujourd’hui.

« Martyrs de la démocratie »

Certains des collaborateurs de Melchior Ndadaye ont également été assassinés en cette journée fatidique du 21 octobre 1993 : le président de l’Assemblée nationale et son vice-président Pontien Karibwami et Gilles Bimazubute, le ministre de l’Intérieur Juvénal Ndayikeza et le chef de la sureté, Richard Ndikumwami. Ceux qu’on va désormais appeler « les martyrs de la démocratie » seront enterrés le 6 décembre, soit six semaines après leur assassinat.

Melchior Ndadaye avait remporté l’élection présidentielle contre le président Buyoya le 1er juin 1993 avec environ 65% des suffrages, un résultat consolidé lors des législatives par la position de son parti Frodebu qui rafle plus de 80% des sièges.  Son assassinat le 21 octobre marquera le début d’une guerre civile sanglante sur fond de massacres qui vont coûter la vie à plus de 300 000 Burundais.

Par Emelyne Muhorakeye