Quand le pouvoir de Bujumbura nargue les USA face aux sanctions américaines
Cooperation

Le Pays, 02/11/2015

Suspension du Burundi de l’AGOA par Washington :

Quand la chèvre défend mieux la cour que le chien

«Le bruit du fleuve n’empêche pas le poisson de dormir», dit un proverbe africain. Cet adage trouve tout son sens dans la récente sortie médiatique des autorités burundaises. En effet, suite à la suspension du Burundi de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) par les Etats-Unis, du fait des assassinats, détentions arbitraires et des cas de tortures dans ce pays après la réélection controversée de Nkurunziza, Bujumbura se dit serein. Motif invoqué : le thé et le café – principaux produits d’exportation du pays – ne bénéficieraient pas d’exonérations de taxes pour leur commercialisation sur le marché américain.

Et pour montrer à Washington que le remède américain contre la chienlit sécuritaire au Burundi, est un cautère sur une jambe de bois, l’ambassadeur burundais aux Etats-Unis, dira qu’il n’y a «pas de quoi paniquer car les échanges commerciaux entre les deux pays sont d’ailleurs nuls, et que les relations diplomatiques ne sont pas rompues». Pour un coup de bluff, c’en est un.

Car, même un profane des questions économiques sait bien que le Burundi a besoin de l’AGOA et plus généralement des Etats-Unis et que la suspension de cette plateforme commerciale occasionnera forcément un manque à gagner pour le pays. Alors, Bujumbura ne fait donc qu’adopter la stratégie de l’autruche qui préfère enfouir la tête dans le sable pour fuir la réalité. Bujumbura peut bien faire croire qu’il n’y a pas péril en la demeure.

Et pourtant, il convient de saluer l’acte de Washington qui a su faire preuve de pragmatisme anglo-saxon. Elle se sera montrée constante, cohérente et conséquente. Contrairement à certaines chancelleries occidentales, passées maîtresses dans l’art du funambulisme. En effet, après avoir brandi la menace de sanctions contre les tenants de la violence au Burundi, l’Oncle Sam, qui, soi-dit en passant, n’a aucun passé colonial avec ledit pays, a montré qu’il savait aller au-delà des simples mots, en joignant l’acte à la parole.

Une énième batterie de mesures qui vient après celles de la Belgique et de l’Union européenne qui ont respectivement suspendu leur  coopération et pris des sanctions ciblées. Reste à savoir ce que cela produira comme effets sur le pouvoir burundais.

On n’attendait pas grand’chose de l’UA

Le Coordinateur du conseil national pour le respect de l’accord d’Arusha et la restauration d’un Etat de droit au Burundi (CNARED), Jean Minani, a prévenu : « Des hommes d’affaires qui étaient décidés à construire des industries pour profiter de l’AGOA sont mécontents, et ce mécontentement produira des conséquences funestes contre le gouvernement ».

Qu’attend l’Union africaine (l’UA), pour agir énergiquement contre le président-pasteur Nkurunziza dont on se demande s’il lit toujours la Bible ou dans quel sens il la lit. On aurait tant voulu que l’UA brandît sa charte sur la bonne gouvernance contre Nkurunziza, tout en se mettant à l’avant-garde du combat pour isoler diplomatiquement et économiquement ce pays. Et les autres Etats occidentaux qui ont déjà donné de la voix, ne feraient que la suivre.

Malheureusement, il y a un cruel manque de volonté de la part de l’instance panafricaine, à laquelle revient au premier chef, la responsabilité de la gestion de la crise burundaise. En laissant le soin à l’Occident, notamment à Washington, d’être de cordée dans la résolution de la crise burundaise, le chien montre qu’il préfère dormir pour se dérober de sa mission, demandant ainsi à la chèvre de défendre la cour à sa place.

 Dans tous les cas, on n’attendait pas grand’chose de l’UA dans la mesure où elle a achevé de convaincre, depuis des lustres, qu’elle est un « club de présidents » plus mus par la protection des intérêts de ces derniers que ceux des peuples africains. En tout état de cause, on est en face du scénario où la chèvre défend mieux la cour que le chien.

Adama KABORE