Des discours très radicaux menacent un peu plus chaque jour le Burundi
Analyses

France 24, 09/11/2015

Burundi : "Pierre Nkurunziza s’enfonce dans une logique paranoïaque"

Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit lundi pour examiner la situation au Burundi, où près de 200 personnes sont mortes depuis fin avril. Pour Thierry Vircoulon, de l'International Crisis Group, cette crise pourrait s'enliser. Entretien.

Le Conseil de sécurité de l'ONU tient lundi 9 novembre une réunion d’urgence sur l’escalade des tensions au Burundi, où au moins 200 personnes sont mortes depuis le début de la crise fin avril. Certains membres du gouvernement burundais ont usé ces derniers jours dans leurs discours de termes à forte connotations ethniques faisant craindre une nouvelle guerre civile dans ce pays déchiré par un premier conflit qui a fait 300 000 morts entre 1993 et 2006.

Dans une virulente charge publique, le président rwandais Paul Kagamé a estimé que la situation au Burundi "rappelle un peu celle qui a prévalu" au Rwanda en 1994 lors du génocide. Des propos dénoncés par les autorités burundaises qui ont assuré qu'il n'y aurait ni "guerre" ni "génocide" au Burundi.

C'est la candidature du président Nkurunziza à un troisième mandat, contraire, selon les opposants burundais et Washington, à la Constitution et à l'accord d'Arusha ayant mis fin à la guerre civile, qui a plongé le Burundi dans cette crise politique. Explications avec Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale à l’International Crisis Group.

France 24 : La crise au Burundi n’est-elle que politique ? Y a-t-il également des tensions d’ordre ethnique ?

Thierry Vircoulon : Il n’y a pas de tensions d’ordre ethnique. Par contre le discours de personnes au pouvoir du CNDD-FDD [le parti de Pierre Nkurunziza] est malheureusement parfois à connotation ethnique. Pour l’instant, la population n’est pas tombée dans le piège et c’est une bonne chose. La mayonnaise ethnique n’a pas pris au sein de la population. Toutefois, ces discours très radicaux menacent un peu plus chaque jour le Burundi.

La crise menace-t-elle de devenir régionale ?

Il y a déjà une dimension régionale à cette crise. Près de 200 000 Burundais ont quitté leur pays en huit mois et se trouvent au Rwanda ou en Tanzanie. Il y a aussi le fait que l’opposition a été forcée de s’enfuir vers des pays de la région et s’organise à partir de là. Cela provoque des tensions puisque le gouvernement burundais a d’ailleurs accusé le Rwanda d’aider son opposition.

Reste-t-il un espoir de sortie de crise négociée ?

En principe, il reste toujours un espoir, mais on ne semble pas prendre le chemin d’une sortie de crise. Au contraire, j’ai l’impression que le pouvoir est très obstiné, et que Nkurunziza s’enfonce dans une logique paranoïaque. Je vois mal comment il pourrait en sortir.

Quel peut être le rôle des Nations Unies ?

L’ONU avait envoyé un médiateur lors de la crise électorale mais qui n’avait pas pu renouer le dialogue entre le pouvoir et l’opposition. Il faut désormais que les Nations unies aient un langage très ferme envers le gouvernement burundais et appuient les efforts de médiation venant du président ougandais ou de l’Union africaine.