Burundi : l'éducation doit être priorisée en guise de réponse à la pauvreté
Education

@rib News, 22/11/2015 – Source Xinhua

L'investissement dans l'éducation doit être priorisée au Burundi en guise de réponse appropriée à la problématique de la pauvreté dans le pays, estime M. Nicolas Ndayishimiye, expert économiste et directeur général de l'Institut de Statistiques et d'Etudes Economique du Burundi (ISTEEBU), relevant du ministère burundais du plan.

M. Ndayishimiye s'exprimait, avec une casquette d'expert, au cours d'une interview accordée jeudi à Xinhua en marge d'une cérémonie de commémoration de la 25ème journée africaine de la statistique.

Se référant aux résultats de la première enquête modulaire sur les conditions de vie des ménages du Burundi réalisée entre août 2013 et avril 2014 (ECVMB-2013/2014), M.Ndayishimiye a indiqué que le taux moyen de pauvreté monétaire individuelle au Burundi, en 2014, est de 64,6% contre 67,1% en 2006.

Cela signifie, a-t-il expliqué, que près de deux Burundais sur trois ne parviennent pas à satisfaire quotidiennement leurs besoins de base (alimentaire et non alimentaire).

"En effet, il faut renforcer, quantitativement et qualitativement, l'investissement dans l'éducation dans la mesure où il a déjà été remarqué une corrélation négative entre le bas niveau d'instruction et la probabilité d'être pauvre. Car, si le Burundi consolide l'investissement dans l'instruction, il pourra, à long terme, réussir le combat contre la pauvreté de manière efficace", a-t-il souligné.

Selon l'expert, l'ECVMB-2013/2014 a montré que la probabilité d'être pauvre baisse de 10,8% lorsqu'on passe, d'un chef de ménage n'ayant aucun niveau d'instruction, à celui ayant le niveau d'études secondaires et plus.

Pour lui, la racine du mal portant sur la pauvreté au Burundi, se trouve le niveau d'instruction, jugé "trop bas", particulièrement au niveau de l'enseignement supérieur et universitaire.

Car, a-t-il insisté, le premier levier sur lequel les autorités burundaises doivent jouer pour faire reculer la pauvreté au Burundi de manière substantielle, c'est l'accroissement du niveau d'instruction. Aujourd'hui, a-t-il révélé, les ménages burundais dont le chef n'a aucun niveau d'instruction, affichent un taux de pauvreté beaucoup plus élevé (74,8%) ; ce qui est largement au-dessus de la moyenne nationale.

M. Ndayishimiye a relevé également qu'au Burundi, il existe une forte corrélation entre la taille des ménages au Burundi et le niveau de pauvreté.

"Plus la taille des ménages augmente, plus ceux-ci sont exposés à la pauvreté", a-t-il révélé avant de recommander que le Burundi gagne à planifier et à limiter les naissances pour le court et moyen terme.

Pour l'expert, pour pouvoir cimenter la paix et la stabilité dans un Burundi post-conflit, les plus hautes autorités républicaines devraient s'attaquer également au "noyau dur" de la pauvreté au Burundi, qui représente au moins la moitié de la population burundaise.

"44,4% des ménages burundais, qui représentent ce noyau formé par des populations extrêmement pauvres au niveau de deux dimensions (monétaire et non monétaire), est un taux trop énorme. L'ultime solution à cette problématique burundaise est la conception des programmes et politiques de développement qui tiennent compte de ce noyau, afin de pouvoir faire quitter ces ménages, au moins, dans l'une des deux dimensions de la pauvreté", a-t-il recommandé.

Citant l'ECMVB-2013/2014, l'expert a indiqué que le seuil de pauvreté monétaire au Burundi, est estimé à 636.510 francs burundais (environ 400 USD) au niveau national par an, soit 1.744 FBU par jour.

Toutefois, a-t-il fait remarquer, en moyenne, le revenu de la catégorie burundaise la plus pauvre, est inférieur de 25% du seuil de pauvreté. Pour rectifier le tir en ramenant cette catégorie de la population à la hauteur du seuil de pauvreté monétaire, a-t-il recommandé, il faudrait lui transférer, en moyenne, 160.000 FBU (100 USD), par an et par adulte.

Cependant, l'expert Ndayishimiye a relevé qu'en 2014, par rapport à la moyenne nationale du taux de pauvreté (64,6%), huit provinces burundaises sur dix-huit affichent des taux de pauvreté monétaire individuelle largement supérieurs. C'est le cas notamment de Muyinga (84,7%), Ruyigi (84%), Gitega (79%), Cankuzo (77,9%), Kayanza (77,1%), Kirundo (76,2%), Karuzi (74%) et Rutana (68,5%).

Néanmoins au niveau de la population totale, M. Ndayishimiye a révélé qu'entre 2006 et 2014, le taux de pauvreté a globalement baissé de 2,5 points de pourcentage.

Au cours de cette période, a-t-il explicité, dans certaines provinces, le taux de pauvreté a baissé de plus de 10 points de pourcentage: Bujumbura rural(-19,8%), Ngozi(-18,3%), Muramvya(-14,8%) et Karusi(-12,5%).

Par contre, dans d'autres, ce taux augmenté de manière significative : Gitega(+11,5%), Bururi(+9,4%), Muyinga(+7,5%) et Kayanza(+6,8%).

Selon l'expert, la pauvreté est plus accentuée en milieu rural qu'en milieu urbain au Burundi quelle que soit sa dimension, monétaire ou non monétaire.

En effet, a-t-il expliqué, sous la dimension monétaire, on dénombre, en milieu rural, 2,5 fois plus de pauvres qu'en milieu urbain (68,8% contre 27,6%). De même, a-t-il ajouté, sous la dimension non monétaire, il y a 11 fois plus de pauvres en milieu rural qu'en milieu urbain (71,1% contre 6,6%).

Le soutien des autorités burundaises à une meilleure redistribution des fruits de la croissance économique en vue de renforcer sa dimension inclusive, a-t-il estimé, semble être le principal créneau d'espoir à emprunter afin que la courbe de la pauvreté au Burundi, "cesse d'être ascendante" au futur.