L’Europe convoque Bujumbura
Cooperation

La Libre Belgique, 08 décembre 2015 

Conduite par le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Alain Nyamitwé, une forte délégation burundaise a entamé mardi à Bruxelles des discussions avec l’Union européenne au sujet des atteintes à la démocratie au Burundi.

Ce dialogue, qui peut durer au maximum 120 jours, est destiné à obtenir une solution acceptable pour les deux parties, alors que Bujumbura ne respecte pas ses engagements sur "les droits de l’homme, les principes démocratiques et l’Etat de droit" exigés parl’Accord de Cotonou, qui règle la coopération entre l’UE et les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP).

Si aucun accord n’est trouvé, l’UE peut suspendre sa coopération. Elle est le principal donateur du Burundi, qui dépend à 50 % de l’aide extérieure.

Déjà, ses recettes internes ont baissé de 40 % depuis le début de la crise politico-sécuritaire provoquée par la volonté du président Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat, interdit par l’Accord de paix d’Arusha qui avait mis fin à une grave guerre civile.

Programme de restauration

L’UE attend de Bujumbura un programme concret de mesures destinées à restaurer la liberté de la presse, désarmer la milice du parti présidentiel CNDD-FDD, assurer la sécurité des acteurs de la sécurité civile. Les médias indépendants ont été fermés ou sont en butte aux persécutions; la milice du CNDD-FDD, les Imbonerakure, sème la terreur dans tout le pays avec la complicité de la police; des mandats d’arrêt ont été lancés contre les chefs des partis d’opposition et dix ONG ont été suspendues.

Issu de la lutte armée, le CNDD-FDD, au pouvoir depuis 2005, est dirigé par les faucons de son ex-branche militaire. Au cours des années, il a procédé à plusieurs purges de ses intellectuels - ce qui le laisse aujourd’hui bien pauvre en têtes pensantes.

Cette caractéristique a fortement accentué le complexe obsidional du parti, de plus en plus isolé sur la scène africaine (même l’Union africaine envisage des sanctions contre Bujumbura). Ce renfermement sur lui-même est conduit au nom de la "souveraineté" du Burundi, alors que Bujumbura dépend tellement de l’extérieur que c’est l’UE qui a dû financer le déplacement à Bruxelles de la délégation burundaise.

"Consultations clôturées"

Pour l’instant, on ne note aucune ouverture. Mardi soir, un communiqué du Conseil de l’UE a exprimé l’insatisfaction européenne à l’issue des négociations menées plus tôt dans la journée.

"L’Union européenne considère que les positions exprimées ne permettent pas de remédier globalement aux manquements des éléments essentiels de son partenariat avec la République du Burundi", dit la déclaration européenne, ajoutant que les consultations sont "clôturées" et que "des mesures appropriées seront proposées aux instances décisionnelles".

"Dans l’attente de l’adoption des mesures appropriées, des mesures conservatoires pourraient être prises quant aux activités de coopération en cours et en limitant des activités de coopération nouvelles aux actions à caractère humanitaire", ajoute la déclaration européenne.

MARIE-FRANCE CROS