L'avocat belge Bernard Maingain poursuivi par la justice burundaise
Justice

La Libre Belgique, 15 décembre 2015

Burundi : Venu défendre des clients, l'avocat belge Bernard Maingain se retrouve accusé

 Alors que la capitale burundaise, Bujumbura, est en proie à des massacres, un procès important s'est ouvert ce lundi devant la Cour suprême, à Gitega. Vingt-huit militaires et soldats putschistes sont accusés d'avoir participé à la tentative de coup d'Etat des 13 et 14 mai.

Le Belge Bernard Maingain est l'avocat de quatre de ces militaires. Contre toute attente, il est également poursuivi par la justice burundaise.

Contacté par La Première, l'avocat a fait part de sa surprise. Ce mardi matin, il ne savait même pas précisément de quoi il est accusé. Il semblerait que ce soit pour avoir fomenté un coup d'Etat en mai.

Avant l'ouverture de ce procès, Me Maingain ne cachait pas ses craintes. Il avait d'ailleurs expliqué ce week-end à LaLibre qu'il négociait avec l'Onu pour "sécuriser les défenseurs pendant le procès" et avait souligné qu'il était important pour lui de se rendre à Bujumbura "afin qu'il y ait une parole libre" durant les audiences.

Bernard Maingain dérange les autorités burundaises depuis quelques mois. En mai dernier, il nous avait indiqué avoir aidé la société civile burundaise à exfiltrer deux collaborateurs du général Adolphe Nshimirimana, bras droit du président burundais Pierre Nkurunziza et ancien chef des services de renseignements. Ces deux témoins ont fait des déclarations sur les préparatifs criminels du régime burundais, qui sont aujourd’hui entre les mains du Conseil de sécurité de l’Onu 

"Je suis le rapporteur sur les exécutions extra-judiciaires au Burundi. J'ai des visites de très nombreuses familles qui ont été assassinées, qui m'ont demandé de saisir la Cour pénale internationale. Nous avons joué un rôle important de lanceur d'alertes concernant la façon avec laquelle les milices ont été armées", expliquait-il ce mardi sur La Première. Il ajoutait : "J'ai vécu les événements de 1990, 1992, 1994. Quiconque a suivi cela est traumatisé pour toujours. On avait dit 'plus jamais ça' mais ce 'plus jamais ça' est en train de revenir à grande vitesse. Dans un silence qui m'effraie absolument".

Le 13 mai, après plus de deux semaines de manifestations sévèrement réprimées contre la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat controversé, le général Godefroid Nyombare, ancien patron des services de renseignement, avait annoncé la destitution du chef de l'Etat, en déplacement à l'étranger. Après deux jours d'incertitude, le coup s'était soldé par un échec et la reddition d'au moins trois des meneurs, dont le général Cyrille Ndayirukiye. Le chef des mutins, le général Nyombare, est lui en fuite.

Les accusés sont poursuivis pour "tentative de coup d'Etat et appel à une insurrection populaire, assassinat de soldats, de policiers et de civils et destructions méchantes de bâtiments", des crimes passibles de la prison à perpétuité, selon l'acte d'accusation lu par le substitut du procureur, Adolphe Manirakiza.

Ce procès s'ouvre trois jours après l'attaque vendredi par des insurgés de deux camps militaires à Bujumbura et un en province. : On déplore officiellement 87 morts, dans des affrontements. Les témoins civils, en revanche, parlent de 100 à 200 tués, essentiellement des jeunes gens raflés dans les quartiers contestataires après les combats de vendredi, et exécutés.

J. LGG. (AVEC AFP)