L’UA donne enfin l’impression d’avoir entendu les cris de détresse des Burundais
Opinion

Le Pays, 21/12/2015

Envoie annoncé de 5000 hommes au Burundi :

C’est bon, mais s’attaquer à la racine du mal c’est mieux

Cinq mille hommes ! C’est le nombre de soldats que compte envoyer  l’Union africaine (UA) au Burundi. L’annonce a été faite le 18 décembre dernier par son Conseil de paix et de sécurité réuni à Addis Abeba, en Ethiopie. La mission dévolue à cette force est de stopper les violences en cours, stabiliser le pays et le préparer à un dialogue inclusif.

Pour des raisons pratiques liées notamment au relief, les éléments qui composent ce corps expéditionnaire seront essentiellement issus de la Force est-africaine. Il n’est jamais trop tard pour bien faire, est-on tenté de dire. Car l’UA  donne enfin l’impression d’avoir entendu les cris de détresse des Burundais terrorisés et suppliciés au quotidien par un pasteur-président dont l’aveuglement le dispute à l’irresponsabilité.

Combien de morts aurait-il fallu pour que l’organisation continentale coutumière des tergiversations, se décidât à prendre à bras-le-corps le dossier burundais ? Question à mille inconnues à laquelle ni le président en exercice de l’UA, Robert Mugabe, ni la présidente de la commission, Dlamini Zuma ne peuvent répondre. C’est à croire s’ils ne cherchent pas à se donner bonne conscience ; eux qui  ont fait preuve d’une incurie à nulle autre pareille face au drame qui se joue au Burundi.

Du reste, quand on connaît la nonchalance et le manque de moyens financiers qui caractérisent l’UA, il faut craindre que le projet d’envoi des 5000 hommes au Burundi ne soit qu’un simple effet d’annonce pour ne pas dire une arlésienne. Toute chose qui sera du pain bénit pour le président Pierre Nkurunziza qui pourrait en profiter pour faire la peau à tous ceux qui contestent sa  réélection.

Nkurunziza est allé trop loin pour reculer

En tout cas, l’on se demande si l’UA ne ferait pas mieux d’aller au-delà, en s’attaquant même à la racine du mal. C’est bien de mettre en place une force d’interposition pour assurer la sécurité des populations, mais Nkurunziza constituant le nœud du problème burundais, l’UA, plutôt que de s’attaquer aux conséquences, aurait été mieux inspirée en s’intéressant au dictateur lui-même. N’est-ce pas une manière de placer un cautère sur une jambe de bois que de vouloir soigner un malade du paludisme en lui administrant uniquement des analgésiques ?

Certes, la fièvre retombera, mais les convulsions demeureront. En tout cas, tant que Nkurunziza sera au pouvoir, le Burundi sera en proie à la violence et le risque d’un génocide est grand. L’UA est donc interpellée. Surtout que Bujumbura s’oppose au déploiement de troupes étrangères sur son sol, estimant qu’il s’agit là d’une force d’invasion et d’occupation. Ce pied de nez est le deuxième du genre fait à la communauté internationale après le refus de Nkurunziza de recevoir le médiateur mandaté de l’UA, en la personne de Boni Yayi.

En fait, on ne le sait que trop bien. Pierre NKurunziza est allé trop loin pour reculer. Car avec ce qui vient de se passer au Rwanda voisin où le président Paul Kagamé, envers et contre tous, a réussi à organiser son référendum constitutionnel, Nkurunziza s’est senti réconforté, puisqu’il n’est pas le seul à avoir malmené la loi fondamentale de son pays.

Cela dit, si l’UA, pour des raisons que l’on sait, décidait d’envahir le Burundi, elle devrait, en principe, en faire autant pour le Rwanda, le Congo Brazzaville et peut-être la République démocratique du Congo, étant donné que tous ces pays sont logés à la même enseigne, en matière de violation de la charte de l’UA sur la démocratie et la bonne gouvernance. Il vaut toujours mieux prévenir que guérir.

Boundi OUOBA