Burundi : Dissensions inquiétantes au sein des anciens rebelles
Analyses

IRIN, 4 décembre 2009

Photo: Jacoline Prinsloo/IRIN

Des partisans accueillent le chef des FNL, Agathon Rwasa, à son retour au Burundi en 2008 (photo d’archives)

BUJUMBURA - Plusieurs mois après s’être converti en parti politique, l’ancien mouvement rebelle des Forces nationales de libération (FNL) du Burundi est embourbé dans une lutte de pouvoir qui, selon des analystes, menace la paix fragile du pays.

Nommé directeur général de l’Institut national de sécurité sociale lorsque le parti a rejoint le gouvernement, le chef des FNL, Agathon Rwasa, est aujourd’hui confronté à l’insoumission d’un groupe dirigé par l’ancien porte-parole du parti, Pasteur Habimana.

Les deux hommes insistent sur le fait qu’ils appartiennent toujours à un seul et même parti, mais M. Rwasa a nommé un autre porte-parole. Les partisans de M. Habimana affirment quant à eux qu’ils ne reconnaissent plus M. Rwasa comme leur chef de parti.

« Il n’y a pas de division au sein du parti. Ceux qui affirment avoir assisté à un congrès où j’ai été démis de mes fonctions de chef ont déjà été écartés du parti. Comment peuvent-ils savoir ce qui se passe au sein de celui-ci ? », a dit M. Rwasa à IRIN à Bujumbura, la capitale burundaise.

Selon Pierre-Claver Mbonimpa, président fondateur de l’Association burundaise pour la protection des droits humains et des personnes détenues, une division au sein des FLN « pourrait entraîner un retour de la guerre civile ».

« Il faut garder à l’esprit que les jeunes qui faisaient partie des FNL ont été démobilisés et sont actuellement désœuvrés. Ils seraient prêts à faire face à n’importe quelle agression, incluant une division du parti », a-t-il dit. « Et ce n’est pas le seul parti qui compte des jeunes dans ses rangs. Dans de nombreux autres partis politiques, des jeunes sont prêts à se battre à la moindre provocation. Si l’on ne remédie pas à la situation, cela pourrait rapidement tourner au chaos et entraîner un retour de la guerre civile ».


Photo: Jane Some/IRIN

Le chef des FNL, Agathon Rwasaa

Selon Jean-Marie Gasana, un analyste du Burundi, un parti politique rival tente de fomenter la division au sein des FNL afin d’affaiblir un concurrent de taille aux prochaines élections générales, prévues pour la mi-2010.

« Si la division se produit, M. Rwasa devra prendre un risque s’il décide de reprendre la lutte », a-t-il ajouté.

D’après M. Gasana, la Tanzanie et l’Afrique du Sud, qui a présidé les négociations pour le processus de paix au Burundi, ont dénoncé des tentatives pour provoquer la division au sein des FNL.

« Nous attendons de voir ce que le gouvernement, et plus précisément le ministère de l’Intérieur, va décider au sujet de l’impasse [dans laquelle se trouvent] les FNL. Nous nous attendons à ce qu’un haut responsable des FNL quitte le parti au pouvoir, mais cela pourrait ne pas avoir de conséquences majeures sur les FNL, en particulier si Rwasa décide de ne pas reprendre la lutte », a indiqué M. Gasana.

Selon lui, M. Habimana semble jouir du soutien du gouvernement et des structures de sécurité.

Course au leadership du parti

M. Habimana affirme occuper toujours le poste de porte-parole du parti. Il soutient également que Jacques Kenese, un membre des FNL qui a vécu à l’étranger pendant plus de 30 ans, a été élu chef de parti lors d’un congrès qui a eu lieu le 4 octobre dernier.

Il a indiqué que son groupe avait rassemblé les signatures d’au moins 11 000 membres du parti demandant la tenue du congrès, ce qui démontre que les partisans de M. Kenese sont assez nombreux dans l’ensemble du pays.

M. Rwasa n’a pas assisté à ce congrès, considérant cette manifestation comme une mise en scène orchestrée par des gens qui ne sont même plus considérés comme des membres des FNL. Le bureau politique et le comité exécutif des FNL avaient ratifié leur exclusion parce qu’ils ne « satisfaisaient pas aux exigences du parti et nuisaient à l’atteinte des objectifs du parti ».

Dans l’attente d’une décision

« Nous avons remis les résultats du congrès au ministre de l’Intérieur et, bien qu’il n’ait pas répondu en reconnaissant Kenese comme chef de parti, nous attendons sa décision qui, nous l’espérons, viendra promptement », a dit M. Habimana.


Photo: Jane Some/IRIN

Pasteur Habimana est sorti des rangs et a refusé de suivre le chef des FNL, Agathon Rwasa

Il a également déclaré que ses partisans et lui respecteraient le choix du ministre de l’Intérieur si celui-ci décidait de reconnaître M. Rwasa comme chef de parti. « Nous, les FNL, ne voulons plus la guerre. Si le ministre décide que Rwasa est notre chef, nous nous présenterons aux élections comme un seul parti », a dit M. Habimana.

Les FNL étaient l’un des nombreux mouvements rebelles Hutu qui ont fait la guerre aux divers régimes pro-Tutsi depuis les années 1990. Des centaines de milliers de personnes sont mortes et des millions d’autres ont été déplacées. La guerre a pris fin en 2001 avec l’installation d’un gouvernement de transition.

Les FNL ont été créées en 1980 par des Hutu exilés en Tanzanie dans des camps de réfugiés. M. Rwasa s’est joint au mouvement en 1988, alors qu’il portait le nom de FNL-Palipehutu (parti pour la libération du peuple Hutu).

Pour devenir un parti politique, il a notamment dû abandonner le « Palipehutu ».

En plus d’être confronté à des dissensions internes, le parti doit également s’adapter à sa nouvelle existence en tant qu’entité politique. « Quand nous étions un mouvement rebelle, nous avions notre manière de faire les choses. Au sein du gouvernement, il y a aussi des règles et des règlements. Nous avons dû nous y adapter même si nous ne sommes pas toujours d’accord avec toutes ces règles », a dit M. Rwasa.

[FIN] [Les informations vous sont parvenues via IRIN, un département d'informations humanitaires des Nations Unies, mais ne reflètent pas nécessairement les vues des Nations Unies ou de ses agences]