Une journaliste ayant fui le Burundi trouve refuge chez un couple d'Île-de-France
Société

Le Parisien, 19 Janv. 2016

Bourg-la-Reine : réfugiée, Diane a trouvé un toit chez Céline et Adrien

Dans le frigo, chacun son étage. Pas besoin de partager la salle de bains, chacune des deux chambres de l’appartement en possède une. Et on dîne ensemble si les agendas correspondent : « Les choses se font naturellement », témoigne Céline.

Depuis bientôt deux mois, avec son compagnon Adrien, elle a ouvert les portes de leur appartement de Bourg-la-Reine à Diane, réfugiée du Burundi de 36 ans (lire ci-dessous). [Photo : Bourg-la-Reine, décembre 2015. Céline et Adrien prêtent l’une de leurs chambres à Diane (à gauche), journaliste qui a fui le Burundi. (LP/J. VA.)]

Au mois d’août, ému par les images des migrants se bousculant aux portes de l’Europe et contraints de dormir sous des tentes, le couple de 27 et 28 ans -elle est doctorante, il est collaborateur parlementaire à l’assemblée nationale et responsable du PS local- décide d’accueillir un réfugié.

« Plutôt une femme seule ou avec des enfants », précise Céline. L’association Réfugiés Bienvenus, qui cherche des logements pour héberger des demandeurs d’asile, leur propose rapidement « un rendez-vous avec une journaliste du Burundi qui parle français », se souvient Céline.

« J’étais surprise qu’ils soient si jeunes »

La rencontre a lieu mi-novembre autour d’un café. Diane raconte : « J’étais surprise qu’ils soient si jeunes… On imagine que les plus solidaires sont les personnes âgées. Les jeunes sont déjà en train de chercher leur vie, ils n’ont pas le temps pour autre chose ».

Le courant passe. La jeune femme s’installe dans les jours qui suivent. « Pour une première expérience, on ne pouvait pas faire mieux, se réjouit Céline. Diane est indépendante, parle français, connaît déjà Paris, a des amis et sort souvent. Finalement, elle n’a presque pas besoin de nous ».

« Évidemment, au début on essaie de ne pas trop déranger », glisse Diane, pudiquement. Comme cette fois où elle avait oublié ses clés mais de peur de réveiller ses hôtes, n’a pas sonné et est repartie chez une amie à Paris. « Ils m’ont rapidement mis à l’aise, poursuit la réfugiée. Par exemple, Céline part très tôt le matin, mais m’envoie des messages pour savoir si j’ai bien dormi, si je vais bien ».

« Nous n’avons pas changé nos habitudes »

D’autres textos s’échangent aussi entre le trio pour prévenir de qui sera présent au dîner. Et si des amis passent prendre un verre, Diane se joint naturellement à eux. « Céline et moi avons fait de la colocation, précise Adrien. Cela explique peut-être pourquoi c’est aussi simple ». « En tout cas, nous n’avons pas changé nos habitudes », confirme Céline. Il y a quelques semaines aussi, le couple a célébré son Pacs : « J’étais là avec la famille et les proches. Comme si j’en faisais partie », s’étonne Diane.

Grâce à cette respiration, elle commence enfin à songer à l’avenir. « Dans une famille, on se sent moins isolé. Ici, je partage des choses. Des gens s’intéressent à moi, me demandent comment je vais ». Elle marque une pause, émue. « C’est rare de rencontrer des personnes si généreuses. J’ai eu de la chance. Je ne sais pas comment je pourrais un jour les remercier ».

Combien de temps durera la cohabitation ? « Diane a obtenu son statut de réfugiée voilà deux semaines, indique Céline. Elle va rester chez nous le temps de faire des démarches pour un appartement, etc. Nous ne pourrons pas la laisser partir tant que sa situation ne sera pas stable ».

« J’ai décidé de rester ici pour protéger ma famille »

 [Photo : Diane (à droite) et ses hôtes. (LP/J. Va.)]

Elle est arrivée en France en novembre 2014, pour se former au Centre de formation et de perfectionnement des journalistes. Mais depuis, Diane, 36 ans, n’est jamais rentrée chez elle. Son pays, le Burundi, sombre un peu plus chaque jour dans le chaos.

« Fin novembre, l’un de mes collègues a été emprisonné et l’autre a failli être tué, raconte Diane, également mariée à un opposant politique. Nous avions réalisé des reportages sur les milices du gouvernement. J’ai décidé de rester ici pour protéger ma famille ».

Sur les conseils des journalistes de la formation, elle contacte le 115. Pendant cinq mois, elle passe des lugubres hôtels sociaux aux bancs froids de la Gare de Lyon. C’est un agent de la sécurité sociale qui lui parle au printemps dernier de la Maison des journalistes, un lieu de résidence pour ceux contraints à l’exil. Elle y restera six mois : « Un soulagement », sourit-elle.

Mais début novembre 2015, alors qu’elle doit quitter sa chambre un mois plus tard, elle reste sans nouvelle de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides). « On m’a proposé un centre d’accueil en province. Mais je ne voulais pas avoir à tout recommencer en Picardie… » Son travailleur social la met finalement en contact avec l’association Réfugiés Bienvenue, qui lui permet de trouver l’aide bienveillante d’Adrien et Céline, qui l’hébergent chez eux, à Bourg-la-Reine.

« Les jeunes ici ne réalisent pas ce qu’est un conflit »

Diane a passé son deuxième Noël sans ses enfants de 12, 9 et 6 ans, réfugiés auprès de leur père. Elle envisage de demander un regroupement familial : « Ils sont déjà traumatisés par la guerre, l’injustice. J’aimerais leur faire connaître autre chose que l’incertitude de l’Afrique ».

En attendant, elle continue à écrire bénévolement sur le blog de la Maison des journalistes, et se rend dans les lycées français pour raconter son histoire. « Les jeunes ici ne réalisent pas ce qu’est un conflit. J’essaie de leur expliquer que la liberté qu’ils ont est un trésor que l’on peut vite perdre ».