La CPI inculpe le président soudanais Bachir de génocide
Afrique

@rib News, 14/07/08 - D’après Reuters, AFP et Associated Press

 Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, a réclamé lundi aux juges de la CPI d'émettre un mandat d'arrêt contre le président soudanais Omar Hassan el-Bachir pour génocide au Darfour, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, annonce un document émis par le tribunal.

Il s'agit de la première demande d'arrestation d'un chef d'Etat en exercice devant la CPI, le seul tribunal permanent compétent pour juger les auteurs de crimes de guerre, contre l'humanité et de génocide.

Selon le procureur, des "forces et des agents" contrôlés par el-Bachir ont tué au moins 35.000 civils et causé la "mort lente" de 80.000 à 265.000 autres, contraints de fuir leurs foyers devant les combats.

Luis Moreno-Ocampo a demandé à trois juges de la CPI de délivrer ce mandat d'arrêt contre le président soudanais afin d'éviter que quelque 2,5 millions de personnes déplacées par le conflit au Darfour et toujours soumises aux attaques des miliciens Janjawid soutenus par le gouvernement ne meurent à leur tour.

"Bachir a commis, à travers d'autres personnes, un génocide contre les ethnies Fur, Masalit et Zaghawa au Darfour, en utilisant l'appareil d'Etat, les forces armées et les milices Janjawid", énonce le document.

Le procureur inculpe également el-Bachir de crimes contre l'humanité et crimes de guerre, dont meurtres, extermination, déportation de 2,9 millions de civils, tortures et viols. La saisie des biens de el-Bachir et le gel de ses avoirs ont également été requis.

Le procureur de la CPI a présenté des "éléments de preuve qui démontrent" que le président du Soudan "a commis des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre au Darfour", précise la cour dans un communiqué diffusé sur son site Internet.

"Trois ans après que le Conseil de sécurité lui a demandé de mener une enquête au Darfour et en s'appuyant sur les éléments de preuve recueillis", Luis Moreno-Ocampo "a conclu qu'il y a des motifs raisonnables de croire" qu'Omar el-Béchir "doit répondre pénalement de 10 chefs d'accusation" dont trois pour génocide et cinq pour crimes contre l'humanité.

Selon la CPI, les éléments de preuve de l'accusation montrent que le président Omar el-Béchir "a échafaudé et exécuté un plan visant à détruire une grande partie des groupes four, masalit et zaghawa en raison de leur appartenance ethnique".

 "J'ai présenté aujourd'hui aux juges des éléments de preuve qui démontrent que le président du Soudan, Omar Hassan Ahmad el-Béchir, a commis des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre au Darfour", a indiqué le procureur argentin lors d'une conférence de presse à La Haye. "J'ai demandé à ce qu'ils délivrent un mandat d'arrêt" contre lui, a-t-il ajouté.

"Le génocide est un crime d'intention, nous ne devons pas attendre que meurent ces 2,5 millions de personnes", a déclaré le procureur. "Le génocide se poursuit", a-t-il ajouté, soulignant que le viol systématique était un élément clef de la campagne orchestrée par les miliciens. "Des femmes de 70 ans, des petites filles de six ans sont violées", a observé le magistrat.

"Dans les camps, les forces de M. el-Béchir tuent les hommes et violent les femmes. Il veut mettre un point final à l'histoire des peuples four, masalit et zaghawa", a affirmé M. Moreno-Ocampo, précisant qu'il accusait Omar el-Béchir de trois chefs de génocide. Il "a utilisé l'armée" et "enrôlé des milices" pour commettre ce génocide, a détaillé le procureur de la CPI.

"Ce qui se passe au Darfour est la conséquence de la volonté d'el-Béchir. Le crime de génocide est un crime d'intention (...) nous allons le prouver, car cela met en danger la vie des gens habitant dans les camps", a-t-il précisé, en projetant des vidéos où des déplacés lors du conflit étaient interrogés. "Nous traitons d'un génocide", a souligné le procureur de la CPI. "Est-il facile à arrêter ? Non", "devons-nous l'arrêter ? oui".

Le Soudan a rejeté dans la minute ces accusations et a menacé d'une "réaction" si l'affaire était portée devant les Nations unies. Khartoum a réagi par la voix d'un porte-parole en affirmant ne pas reconnaître cette inculpation et en se disant déterminé à poursuivre le processus de paix au Darfour.

L'annonce intervient alors que le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon s'est dit inquiet lundi pour la force mixte ONU-Union africaine (Minuad) chargée du maintien de la paix au Darfour (ouest du Soudan) en cas d'accusations contre l'homme fort de Khartoum. "Cela aurait des répercussions négatives très sérieuses sur l'opération de maintien de la paix, y compris le processus politique", a-t-il expliqué dans une interview au journal français Le Figaro.

La Ligue arabe a convenu une réunion de crise mercredi et l'Union africaine a "mis en garde" la CPI sur les conséquences d'une demande de poursuites.

Une décision des juges, basée sur la solidité des preuves apportées par M. Moreno-Ocampo, devrait prendre plusieurs mois. La Chambre préliminaire I va désormais examiner les éléments de preuve. Si les juges considèrent qu'il existe "des motifs raisonnables de croire que la personne citée a commis les crimes qui lui sont reprochés, ils décideront du meilleur moyen de garantir sa comparution devant la CPI".

En dépit de la décision de Luis Moreno-Ocampo, le président Omar el-Béchir ne devrait pas être envoyé prochainement à La Haye. Le Soudan rejette la CPI et refuse d'arrêter les suspects. Quelque 300.000 personnes, selon les estimations, sont mortes au Darfour depuis que le conflit a éclaté dans la région en 2003.