Le Burundi, une nation au bord de la rupture
Analyses

La Croix, 22/01/2016

La prise de pouvoir du général Niyombaré à la tête de la principale armée d’opposition inquiète la communauté internationale qui craint des affrontements imminents avec le régime. Éclairage en huit points pour mieux comprendre cette crise et ses racines ethniques au Burundi.

Ce sont les souvenirs des heures les plus sombres de l’histoire du Burundi qui remontent à la surface. Connu pour avoir dirigé la tentative de coup d’État des 13 et 14 mai 2015, la prise de pouvoir du général Godefroid Niyombaré à la tête de l’armée d’opposition a de quoi inquiéter.

Ancien collaborateur et ami du président démocratiquement élu Pierre Nkurunziza, celui-ci s’était fermement opposé à la possibilité pour un chef d’État de briguer un troisième mandat au Burundi. Pierre Nkurunziza est accusé d’abuser du pouvoir exécutif et d’avoir modifié volontairement la Constitution pour rester au pouvoir.

Le général Niyombaré chercherait à unir les différents groupes armés du pays sous sa bannière. Redoutant un coup d’état imminent qui déstabiliserait le pays et pourrait conduire à de nouveaux massacres de masse entre communautés ethniques « Hutu » et « Tutsi », l’Onu vient d’envoyer mercredi 20 janvier une délégation pour persuader le gouvernement de Nkurunziza de dialoguer avec la rébellion armée et d’accepter le déploiement d’une force de l’Union africaine (UA) pour éviter un éventuel génocide. L’Union africaine a pour objectif général la « résolution pacifique des conflits parmi les États membres de l’Union ».

Le Burundi dans l’ombre du génocide

Les racines du génocide rwandais sont aussi implantées au Burundi, son pays voisin. Comme au Rwanda, le Burundi est peuplé par deux catégories ethniques: les Hutu majoritaires (85 %) et les Tutsi (15 %). Les Twa (pygmées) représentant moins de 1 % de la population. Bien que tous vivent sur le même territoire en habitat dispersé, parlent la même langue, le Kirundi, et soient majoritairement de confession chrétienne, leur cohabitation a toujours été parsemée de massacres sanglants, sans pour autant conduire à un génocide comme en 1994 au Rwanda. Un nouveau scénario catastrophe est de plus en plus redouté par la communauté internationale.

En 1993, le premier président démocratiquement élu depuis l’émancipation du pays, sous tutelle belge jusqu’à l’indépendance en 1961, est assassiné. Cette première expérience démocratique, qui n’a duré que 100 jours en 1993, et la guerre civile de douze ans qui s’est ensuivi, ont été les prémices d’une instabilité politique et d’une violence d’État toujours non résolues aujourd’hui. Le putsch militaire réveille les tensions ethniques dans le pays, les identités sont exacerbées. Plus de 200 000 burundais meurent. Des centaines de milliers sont déplacés.

Arusha: un accord pour la paix menacé

« Les accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi »ont été signés le 28 août 2000 sous l’égide de Nelson Mandela. En présence des secrétaires généraux de l’ONU, de représentants de l’Union européenne et de nombreux dirigeants africains, l’accord est signé par des extrémistes hutu et tutsi qui historiquement refusaient de se parler. Les principes généraux limitent le nombre de mandats présidentiels et débouchent sur le principe d’un « partage du pouvoir à travers une représentation équitable des Hutu et des Tutsi, y compris”l’alternance au niveau de la Présidence’’ ». Une nouvelle constitution est née. Le premier président élu de cette nouvelle aire pacifique n’est autre que Pierre Nkurunziza en 2005. Il sera réélu en 2010. Et de nouveau en 2015 malgré l’accord d’Arusha.

Selon l’article 7 relatif au pouvoir exécutif du Burundi de l’accord d’Arusha : « Il (Le président de la République) est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ».

L’annonce de sa 3e candidature a conduit à des violences qui ont fait plus de 400 morts et contraint à l'exil plus de 200 000 personnes. Ses opposants l’accusent d’avoir violé la Constitution et l’Accord d’Arusha. Le 15 janvier 2016, le Haut-Commissaire aux droits de l'Homme, Zeid Ra'ad Al Hussein a mis en garde contre « une dimension de plus en plus ethnique de la crise » et un « effondrement complet de l'ordre public imminent ».

GÉOGRAPHIE

Le Burundi est un pays d’Afrique de l’Est d'une superficie de 27 830 km2. La capitale, Bujumbura, est la ville la plus peuplée. Il est entouré de trois pays : la Tanzanie à l'est, le Rwanda au nord, la République démocratique du Congo à l’ouest. Climat équatorial avec une température moyenne annuelle entre 17 à 23 degrés.

INSTITUTION

République multi-partite à régime présidentiel. Parmi les députés, 100 sont élus au suffrage universel direct. Ils doivent provenir à 60% du groupe hutu et à 40% du groupe tutsi et compter au moins 30% de femmes. Le Sénat est composé de deux membres par province, un hutu et un tutsi, élus par les conseils communaux, de trois personnes issus de l’ethnie twa et des anciens chefs de l'État. Il doit en outre comporter au moins 30% de femmes.

ÉCONOMIE

C’est un pays pauvre en ressources avec un secteur industriel sous-développé. L’économie est principalement agricole (40% du PIB et 90% de la population active). Les exportations primaires sont principalement le café et le thé (90%). Les recettes d’exportation, pilier de l’économie nationale, reposent principalement sur les conditions météorologiques et le cours du café et du thé fixés sur le marché international. Le PIB est estimé à 2 0970 milliards de dollars.

POPULATION

Il y a environ 11 millions d’habitants au Burundi. 12,1 % d’urbains seulement. Les Hutu représentent 85% de la population, les Tutsi 15%, les pygmées 1%. Le pays est habité par quelques 3 000 européens et 2 000 asiatiques. 45,4 % de la population a moins de 14 ans. L’âge moyen est seulement de 17 ans. C’est le troisième pays au monde avec le plus grande croissance démographique (+3,28 % en 2015). 6,09 enfants par femme en âge de procréer, mais il est classé sixième pour son taux très élevé de mortalité infantile (712 décès pour 100 000 naissances). L’espérance de vie moyenne est très basse (60 ans).

RELIGION

Les catholiques représentent 62,1 % de la population totale, les protestants 23,9 %, soit 86 % de chrétiens. Les musulmans sont 2,5 %. 7,9 % d’autres confessions.

LANGUE

Le Kirundi est la langue officielle pratiquée, lue et écrite par 42,5 % de la population même s’il s’agit de la langue natale pour 97 % des habitants. Le français, la langue de l’élite, vient en suivant. 9,1 % de la population la pratique. 56,9 % de la population pratique différentes langues ethniques minoritaires.

ÉDUCATION

5,8 % du PIB est consacré à l’éducation en 2012. La population est relativement bien éduquée puisque 85,6 % savent lire et écrire. La période scolaire moyenne est estimée à 10 ans mais 19 % des enfants entre 5 et 14 ans travaillent, soit 433 187.

DÉVELOPPEMENT

La pauvreté touche autour de 70 % de la population. La dette atteint environ 36 % du PIB. La nourriture, les médicaments et l’électricité restent rares mais la croissance est relativement forte, atteignant 4,7 % en 2014.

Jérémie Cazaux Et Déborah Coeffier