Union africaine : Vers la mise au rencart définitive de la Maprobu ?
Diplomatie

PANA, 31 janvier 2016

Le mois de janvier tire à sa fin sur des tractations diplomatiques tous azimuts au bilan mitigé pour le Burundi

Bujumbura, Burundi - Janvier 2016 dégage le constat général d’avoir été le plus chargé de tous les neuf mois de crise dans le pays et le plus édifiant encore sur la limite des tractations diplomatiques dans la sous-région, aux Nations unies et surtout, à Addis-Abeba, le siège de l’Union africaine (UA), dans la capitale de l’Ethiopie, où s’achève ce dimanche le 26ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’organisation continentale dont l’ordre du jour restait dominé par des vues divergentes sur les voies et moyens de sortir le Burundi de l’un de ses longs et violents conflits électoraux mal résolus entre le pouvoir et l’opposition au cours de ces 15 dernières années.

Le sommet devait, notamment sceller le sort de la très controversée "Mission africaine de prévention et de protection au Burundi" (MAPROBU), dont certains, dans l’opinion nationale et internationale, attendaient une "solution de la dernière chance" pour stabiliser la situation de guerre civile larvée dans ce pays des Grands Lacs africains, malgré l’avis exprimé longtemps à l’avance par le gouvernement burundais et qui ne l’a pas changé d’un iota à Addis-Abeba.

Les nouvelles en provenance de la capitale éthiopienne tendent plutôt vers la mise au rencart définitive de la Maprobu, une force militaire et policière forte d’au moins 5.000 éléments qui avait été pensée et proposée euphoniquement par les ambassadeurs des Etats membres du Conseil de paix et de sécurité de l’UA, le 17 décembre dernier.

Les ambassadeurs n’écartaient pas une intervention de gré ou de force, avant son rejet énergétique par le gouvernement burundais, au nom de la « souveraineté » d’un pays présenté encore comme étant "sûr à 99%", au niveau de la sécurité intérieure et qui va jusqu’à exporter des troupes de maintien de la paix à l’extérieur.

Avant d’en arriver vers une fin "heureuse" du "feuilleton MAPROBU", pour le gouvernement burundais et à la "déception" consommée, pour l’opposition, le coup d’accélérateur et les espoirs dans le laborieux processus de paix avait été donnés, le 28 décembre dernier, par le médiateur de la communauté de l’Afrique de l’Est/East african community (CAE/EAC), en même temps chef de l’Etat ougandais, Yoweri Kaguta Museveni.

Le "Sage" ougandais et l’un des doyens d’âge des chefs d’Etat africain, comme l’appelait dernièrement, son homologue burundais, Pierre Nkurunziza, en présence d’une forte délégation du Conseil de sécurité des Nations unies, avait réussi l’exploit de réunir chez lui, les représentants du pouvoir burundais, ceux de l’opposition, de la Société civile, des femmes et des confessions religieuses pour une cérémonie de lancement officiel des pourparlers inter burundais de paix.

La communauté internationale s’était également présentée en force, à Kampala, la capitale ougandaise, pour soutenir et appuyer les efforts de paix au Burundi, notamment par le biais des envoyés spéciaux de l’UA, de l’Union européenne (UE), des Nations unies et de la Communauté de l’Afrique de l’Est.

Un rendez-vous, jugé "crucial" pour un premier round des pourparlers a même été pris pour le 6 janvier dernier, dans la très symbolique ville tanzanienne d’Arusha, avant que le gouvernement burundais ne fasse faux bond et ne décline une invitation du médiateur "non concertée" surtout en ce qui concerne les participants de l’opposition ayant trempé dans les violences électorales et la tentative de putsch militaire des mois passés.

La ville d’Arusha est symbolique pour avoir abrité les pourparlers inter-burundais de sortie de la guerre civile de 1993 à 2006 au Burundi.

Quant aux affinités au sein de la classe politique nationale, le pouvoir en place au Burundi reste jusqu’ici réticent à s’asseoir ensemble avec des représentants du Conseil national pour lé défense de l'Accord d’Arusha et la restauration de l’Etat de droit (CNARED, principale plate-forme de l’opposition en exil).

Cette opposition "non pacifique" pour le pouvoir, qui se dit néanmoins comme étant "incontournable" a, parmi ces hauts responsables, ceux sur lesquels pèsent des mandats d’arrêt internationaux pour leur rôle présumé dans l’animation du "mouvement insurrectionnel" et la tentative de putsch qui a suivi, un mois après l’officialisation de la candidature du chef de l’Etat burundais pour un troisième mandat à la tête du pays, jugé contraire par ses détracteurs, à la Constitution et l’Accord d’Arusha.

L’échec d’ "Arusha-bis" n’a pour autant pas découragé les initiatives diplomatiques dont la plus impressionnante a été l’arrivée à Bujumbura, le 21 janvier dernier, d’une délégation de 33 personnalités onusiennes composées par les 15 membres du Conseil de sécurité et leur suite.

Leur arrivée avait été saluée par une démonstration de force de groupes armés non-identifiés contre le pouvoir central qui ont largué sur Bujumbura, au moins 14 grenades et obus de mortier, faisant des morts et des blessés par dizaines.

Le lendemain, la délégation onusienne s’est rendue à l’intérieur du pays par route pour rencontrer le chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, avant de repartir de nuit sur New York, avec un sentiment d’un devoir inaccompli.

Mme Samantha Power, l’actuelle ambassadrice des Etats-Unis d’Amérique auprès des Nations unies et présidente en exercice du Conseil de sécurité, déclarera que la rencontre n’avait pas permis de convaincre le président burundais sur la nécessité d’un dialogue inclusif de tous les protagonistes de la crise et sur celle d’une force de stabilisation du pays.

Le président Nkurunziza, de son côté, tira plutôt un bilan "satisfaisant" de la rencontre qui a, notamment, permis aux diplomates onusiens de se rendre à l’évidence, en se rendant à l’intérieur du Burundi profond, que le pays était finalement "praticable", contrairement à ce qu’en disent les médias internationaux.

L’échec annoncé de la MAPROBU sonne plutôt comme une "victoire diplomatique indéniable" pour les soutiens du pouvoir à Bujumbura qui ont laissé éclater tôt leur joie dans les réseaux sociaux, après avoir entendu les propos catégoriques de M. Ibrahima Fall, l’envoyé spécial de l’UA dans la région des Grands Lacs, sur des troupes militaires étrangères, simplement "inimaginables", sans l’aval préalable du gouvernement burundais.

Du côté de l’opposition où les attentes de la MAPROBU étaient plutôt les plus fortes, nombreux sont ceux qui ont répandu leur déception sur les réseaux sociaux, tout en se consolant du fait que , d’expérience, la communauté internationale n’a jamais empêché le pire d’arriver dans la sous-région des Grands Lacs, en évoquant, entre autres, le génocide de 1994, au Rwanda voisin qui a eu lieu malgré une présence  massive de casques bleus des Nations unies.

"Il reviendra aux Burundais eux-mêmes et avant tout de régler leur différend, pour peu qu’ils sachent comprendre qu’aucun soldat africain ne sera prêt aujourd’hui ou demain à mourir pour eux", toujours de l’avis philosophique de ceux qui veulent vite digérer l’issue du probable du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA sur un échec de la MAPROBU.

La suite du sommet d’Addis-Abeba reste improbable et un cercle vicieux de violences risque de se refermer sur le Burundi où récemment encore, deux mouvements rebelles ont officialisé publiquement leur naissance et la détermination à régler la crise du moment par la force des armes.

D’un côté, il y a les "Forces républicaines pour le Burundi" (FOREBU) de l’ancien général de l’armée et chef en cavale des mutins du mois de mai, Godefroid Niyombare, mais sans encore de faits d’armes récents connus à son actif.

L’autre est la "Résistance pour l’Etat de droit" (RED) qui n’a cependant pas encore décliné ses chefs militaires et se contente, pour le moment, de revendiquer, sur les réseaux sociaux, des "opérations coup de poing sporadiques contre des positions isolées de la Police et de l’Armée, essentiellement à Bujumbura, la capitale du Burundi".

Nombreux sont cependant les analystes de la situation sécuritaire du pays qui prédisent de sérieuses difficultés pour les rébellions naissantes de venir militairement à bout sur le court terme, des corps de défense et de sécurité autour du régime burundais qui a su jusque-là les utiliser habilement pour contenir la révolte armée dans les retranchements d’une partie de la ville de Bujumbura.

Le pouvoir avait su mater en moins de 48 heures, la tentative de putsch militaire du mois de mai dernier, rappellent les mêmes analystes.