L’UA renonce à dépêcher une force au Burundi : Pourquoi cette énième dérobade ?
Opinion

L'Express, 31 janvier 2016

Burundi : Faut-il huer l’UA ?

L’Union africaine (UA) s’est donc une fois de plus hissée à la hauteur de sa légende. Réunie ce week-end en son siège éthiopien d’Addis-Abeba pour son 26e sommet, l’instance continentale a renoncé à dépêcher une force de maintien de la paix au Burundi, théâtre d’un sanglant naufrage ; et ce, six semaines après avoir arrêté le principe de l’envoi d’une Mission de prévention et de protection (Maprobu) dotée de 5000 hommes.

Renoncer, surseoir, ajourner, différer, atermoyer : c’est il est vrai, au risque d’épuiser le dictionnaire des synonymes, ce que l’UA fait le mieux, et avec le plus de constance. Commentaire agacé du Tchadien Idriss Déby Itno, élevé pour un an à la dignité de président en exercice de l’Union : « Nous nous réunissons trop souvent, nous parlons toujours trop, nous écrivons toujours beaucoup, mais nous n’agissons pas assez et parfois pas du tout. » La franchise : voilà au moins une vertu qu’il faut mettre au crédit de Déby.

Pourquoi cette énième dérobade ? Deux raisons, ou plutôt deux prétextes. D’abord, les réticences d’une poignée de chefs d’Etat. Il serait paraît-il « inimaginable » de déployer un tel dispositif dans un pays-membre, sans l’aval de celui-ci. Thèse notamment endossée par le Gambien Yahya Jammeh, clown tragique et tyran ubuesque.

Le second alibi n’est que le corollaire du premier : l’opposition frontale du régime de Bujumbura, Pierre Nkurunziza, absent d’Addis, ayant juré de traiter l’hypothétique Maprobu avec les égards dus à une « force d’invasion et d’occupation ». En clair, toute requête adressée à un despote aux abois devrait être formulée en ces termes : « Excellence, auriez-vous l’extrême obligeance de consentir à accueillir sur vos terres un contingent susceptible, si toutefois vous n’y voyez aucun inconvénient, de tempérer les ardeurs exterminatrices de vos séides ? »

Soucieuse de privilégier le dialogue, l’UA, dont les pontes sont, comme on dit entre Libreville et Yaoundé, « nés avant la honte », promet donc d’expédier in situ une « délégation de très haut niveau ».

Naviguerait-elle à une altitude himalayenne, voire stratosphérique, que cette équipée d’émissaires aurait fort peu de chances d’enrayer la descente aux enfers d’un Burundi sur lequel plane le spectre de la guerre civile, réplique du conflit qui saigna ce petit pays des Grands Lacs de 1993 à 2003.

Exécutions sommaires, raids punitifs, accrochages nocturnes entre les garde-chiourmes du pouvoir et une opposition qui se radicalise et se militarise : on recense déjà 400 tués et 230000 civils contraints à l’exil.

Selon Amnesty International, une série d’images satellites captées récemment tend à corroborer les récits de témoins quant à l’ensevelissement à la mi-décembre de dizaines de cadavres dans divers charniers et fosses communes. Il sera toujours temps d’envoyer le moment venu une Force de maintien de la paix des cimetières.

Par Vincent Hugeux