Une coalition de chefs d’Etat étaient très hostiles à un déploiement au Burundi
Opinion

Le Pays, 01/02/2016

Envoi de troupes au Burundi :

L’UA se dégonfle comme un ballon de baudruche

Peu avant le 26e sommet de l’Union africaine (UA), Dlamini Zuma avait été ferme sur la crise au Burundi. L’UA y déploiera une force militaire de quelque 5 000 hommes, même sans le consentement du gouvernement de Pierre Nkurunziza, avait-elle dit. Bien d’observateurs avaient alors exprimé leur scepticisme quant à la réalisation de ce projet. Eh bien, ils avaient vu juste.

En effet, une coalition de chefs d’Etat emmenée par l’Equato-Guinéen Teodoro Obiang-Nguema et le Gambien Yahya Jammeh se sont montrés très hostiles à ce déploiement qui bafouerait à leurs yeux le principe de la souveraineté des Etats. Et comme l’UA agit sur la base du consensus, dame Zuma peut désormais froisser son projet et le jeter à la poubelle.

Dès lors, l’on peut dire que l’UA se dégonfle comme un ballon de baudruche. Et pourtant, l’enjeu en valait la peine. En effet, un tel projet avait des chances réelles de donner du répit au malheureux peuple burundais, contraint aujourd’hui, face à la folie de Nkurunziza, de choisir entre la mort et  le baluchon. Ce rétropédalage de l’UA suscite cette question.

L’UA semble avoir pris le parti de défendre les intérêts des présidents

Quand cette structure va-t-elle enfin grandir pour se positionner comme un instrument dont la préoccupation essentielle sera de défendre bec et ongle les intérêts profonds des populations ? Au rythme où vont les choses, l’on peut affirmer que les Africains attendront encore longtemps avant de voir ce"machin" faire sa mue. Et cela ne doit guère étonner personne. Car, la brique prend forcément la forme du moule. Et dans le cas d’espèce, ce moule que représente l’UA, semble avoir pris le parti de défendre les intérêts des présidents. Et comme leurs intérêts divergent avec ceux de leur peuple, l’on peut comprendre la démission et l’irresponsabilité avec lesquelles l’UA traite le dossier burundais.

Et le moins que l’on puisse dire est que le 26e sommet a déçu bien des attentes. Comment pouvait-il en être autrement quand on sait que cette institution, du fait de la faiblesse de certains de ses textes, est exposée aux diktats des dictateurs. Et ils en profitent à satiété pour enfoncer chaque jour que Dieu fait les populations dans la misère, le désarroi, la faim et la violence.

L’illustration de cette triste réalité vient d’être apportée, s’il en est besoin, par le tandem Yahya Jammeh/Teodoro Obiang Nguema. Ces hommes, en matière de démocratie, sont de véritables prédateurs. En aucun cas donc, ils ne peuvent se désolidariser de Nkurunziza qui, comme eux, est un militant actif de la confrérie des satrapes d’Afrique. Et quand on pense que l’UA a été obligée de se dégonfler comme un ballon de baudruche, il y a de quoi, pour tous ceux qui aiment l’Afrique, écraser une larme et s’indigner.

Et ce, d’autant plus que l’on peut avoir l’impression que la voix élevée par cette minorité de chefs d’Etat pour torpiller le projet de dame Zuma, semble avoir réduit au silence la voix des présidents à qui l’on ne peut pas faire le reproche de tirer la démocratie vers le bas dans leur pays. De ce point de vue, l’on peut avoir envie de les inviter à réfléchir sur cette réflexion de Norbert Zongo : « le pire, ce n’est pas la méchanceté des gens mauvais, mais le silence des gens bien ».

L’UA est en réalité  un tigre en papier

Il aurait fallu qu’un seul de ces "gens bien" claquât la porte en guise de protestation contre ce dégonflement de l’UA suscité par "la méchanceté des gens mauvais". Mais rien n’y fit. Et avec tout cela, l’on n’éprouve aucune gêne pour reprocher à la CPI (Cour pénale internationale) de ne traquer que les Africains. Cette attitude de l’UA vis-à-vis de la juridiction internationale, ne vise qu’un seul but. Assurer l’impunité aux dictateurs dont les placards sont encombrés de cadavres. Franchement, l’Afrique est malade de l’UA.

Le peuple burundais qui a déjà payé un lourd tribut (400 morts) à la dictature de Nkurunziza ne doit fonder aucun espoir sur l’UA dans sa version actuelle. Il doit bien au contraire se préparer à prendre véritablement son destin en main. Il doit d’autant plus le faire que la solution de rechange envisagée par l’UA après l’abandon de l’envoi des 5000 soldats, qui consiste à envoyer une mission de très haut niveau pour discuter avec Nkurunziza, est en réalité une véritable tartufferie.

Celui qui va tirer le plus grand profit de cette vaste comédie est, de toute évidence, le dictateur Nkurunziza ; lui qui sait, comme d’ailleurs la plupart des dictateurs, que l’UA est, en réalité  un tigre en papier. Et pour ne pas arranger les choses, c’est dans ce contexte qu’Idriss Deby Itno prend les commandes du navire. Quand on connaît déjà les coups de poignard que celui-ci a assenés à la démocratie dans son pays, l’on peut aisément imaginer que la démocratie au Burundi ne sera pas le plat de résistance de son mandat. Et par ces temps qui courent, où la lutte contre le terrorisme est la principale préoccupation de la Communauté internationale, celle-ci ne rougirait pas de voir le président tchadien mettre une croix sur la démocratie en Afrique en général et au Burundi en particulier au profit de la guerre contre les barbus dans la région du lac Tchad et dans la zone sahélo-saharienne.