Burundi-UA : Contrairement à ce que l'on croit, les absents n'ont pas toujours tort
Diplomatie

L'Observateur Paalga, 01 février 2016

Burundi : Nkurunziza, une Pierre dans le jardin de l'UA

Pour un absent, il était particulièrement présent au 26e sommet de l'Union africaine qui se tenait ce week-end à Addis-Abeba. Le président Pierre Nkurunziza n'était physiquement pas là, mais son ombre n'a cessé de planer sur la capitale éthiopienne.

Le Burundi était en effet au centre des préoccupations de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement qui s'arrachent les cheveux pour empêcher le pays de sombrer définitivement dans l'abîme.

Une course contre la montre engagée alors que les rapports et les informations aussi alarmistes les uns que les autres s'entassent. La veille même du meeting d'Addis, Amnesty international sur la foi de photos satellites faisait état de l'existence de charniers, tendant ainsi à confirmer le récent mémo apocalyptique d'Hervé Ladsous.

Dans une note censée être confidentielle mais qui avait fini par fuiter, le secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des opérations de maintien de la paix envisageait en effet différents scénarii de l'évolution de la situation du pays, l'un deux n'excluant pas la jurisprudence rwandaise, c'est-à-dire un lent et méthodique glissement vers un génocide programmé sans que la communauté internationale, l'ONU en tête, y puisse quoi que ce soit.

Aveu d'impuissance donc à la Maison de verre de Manhattan où, comme d'habitude, les membres permanents du Conseil de sécurité ne parlent pas le même kirundi ; même constat d'incapacité et de division à l'Africa building où une douzaine de chefs d'Etat, réunis en comité restreint la veille de l'ouverture, se sont séparés sur un constat d'échec au sujet du déploiement projeté depuis mi-décembre d'une force multinationale africaine de quelque 5000 hommes pour protéger les civils et conjurer l'irréparable. « Que Nkurunziza le veuille ou pas », avaient alors laissé entendre les va-t-en-guerre.

Une proposition à laquelle Bujumbura, qui a renouvelé son opposition, a réservé une fin de non-recevoir. « A aucune condition nous ne sommes prêts à accepter cette force », a martelé Alain Aimé Nyamitwé, ministre burundais des Affaires étrangères.

Dans leur refus, Nkurunziza et ses fidèles se sont même trouvés des alliés, à l'image de l'Equato-Guinéen Teodoro Obiang-Nguema et du Gambien Yaya Jammeh pour qui ce serait «une atteinte à la souveraineté d'un pays africain ». Cette sacro-sainte souveraineté dont on se prévaut toujours quand ça nous arrange jusqu'à ce que ça dégénère... en toute souveraineté. Mais si dans ce syndicat de présidents que demeure obstinément l'UA on ne peut même plus se rendre de petits services entre satrapes...

On en est donc là. Plus que jamais, Nkurunziza constitue une Pierre dans le jardin de l'UA qui n'était déjà pas bien paradisiaque ; une organisation continentale réduite à des déclarations de pure forme pour ne pas dire des incantations sans prise directe sur la réalité sur le terrain où on aurait enregistré déjà environ 400 morts civils sans oublier les nombreux blessés, les réfugiés et les déplacés depuis neuf mois que la crise perdure. Une Pierre dont, hélas, la présidente de la Commission, Nkosazana Dlamini-Zuma, doit s'accommoder pour l'instant puisqu'on ne sait trop comment l'extirper sans que le remède soit pire que le mal.

Rétropédalage donc de nos dirigeants qui ont conclu qu'en tout état de cause « rien ne se fera sans le consentement de Nkurunziza », remettant de ce fait l'intervention aux calendes burundaises. Il est vrai que sauf à être une force d'invasion, et donc ennemie, on ne voit pas trop comment les militaires africains auraient pu débarquer comme ça au Burundi sans autorisation expresse de l'ancien professeur d'EPS qui a engagé cette course folle vers le précipice (et son pays avec lui) pour un malheureux troisième mandat dont il risque de ne même pas jouir en toute tranquillité.

Le drame c'est que ces crises artificielles souvent créées et entretenues par des forcenés avides de pouvoir relèguent toujours au second plan les nombreux autres soucis majeurs qui tourmentent le continent comme les questions socio-économiques ou la lutte contre le terrorisme. Et ce n'est certainement pas l'élection à la présidence en exercice de l'organisation continentale du guerrier tchadien Idriss Déby Itno, lui-même candidat à sa propre succession après 25 de règne, qui y changera quelque chose.