L'ONU parle de crime contre l'humanité en Guinée
Afrique

@rib News, 22/12/2009 – Source Reuters

Le massacre de plus de 150 opposants par les forces de sécurité guinéennes le 28 septembre dans un stade de Conakry relève du crime contre l'humanité et la responsabilité du président Moussa Dadis Camara est directement engagée, estime l'ONU dans un rapport.

Le rapport a été remis samedi au Conseil de sécurité des Nations unies par une commission d'enquête de l'ONU sur ces massacres.

"La commission considère qu'il existe des raisons suffisantes de présumer une responsabilité pénale directe du président Moussa Dadis Camara", lit-on dans un extrait du rapport qui évoque "une forte suspicion de crime contre l'humanité".

Les trois rapporteurs décrivent non pas une journée d'affrontements politiques qui aurait mal tourné, mais une série de tueries "systématiques", de viols et d'actes de torture "organisés" contre une partie de la population.

Ils réclament la saisine de la Cour pénale internationale et nomment plusieurs personnes de l'entourage direct de Moussa Dadis Camara comme présumées responsables, avec lui, de ces crimes contre l'humanité commis pendant trois jours pour intimider tous ceux qui contestaient l'intention du chef de la junte militaire au pouvoir depuis 2008 de se présenter à l'élection présidentielle de 2010.

Moussa Dadis Camara, qui nie toute implication, a été agressé le 3 décembre par un de ses lieutenants qui a dit craindre d'être tenu pour responsable de ce bain de sang. Il est depuis hospitalisé au Maroc et son état de santé demeure un secret d'Etat en Guinée.

Parmi les personnes incriminées figurent l'auteur de cette agression, Aboubacar "Toumba" Diakité, et un autre allié de Camara, Claude Pivi.

Le ministre de la Défense Sekouba Konaté, qui dirige les affaires du pays en l'absence de Camara, est également cité dans le rapport mais il est précisé qu'une enquête devra déterminer son degré d'implication dans les violences.

A Conakry, le ministre guinéen des Communications, Idriss Chérif, a déclaré ne pas avoir étudié le rapport de l'ONU, mais il a dénoncé des manquements à la procédure dans la façon dont ce document a été diffusé.

"J'ai l'impression que certains veulent accélérer les choses comme s'il s'agissait d'une course contre la montre. Ce n'est pas normal", a-t-il dit.

L'ONG américaine Human Rights Watch, qui a publié la semaine dernière les résultats d'une enquête menée en octobre, assure que Moussa Dadis Camara est impliqué dans l'organisation de cette tuerie.

Des militaires avaient ouvert le feu sur la foule rassemblée dans le grand stade de la capitale pour protester contre le régime au pouvoir, faisant 157 morts et un millier de blessés selon une association locale de défense des droits de l'homme.

La France soupçonne aussi le capitaine Moussa Dadis Camara d'avoir, de près ou de loin, participé à la décision d'ouvrir le feu.

Selon le rapport de l'ONU, établi à partir de 687 entretiens réalisés en Guinée fin novembre et début décembre, au moins 109 femmes et filles ont été victimes de viols répétés, de mutilation sexuelle et de séquestration. Des centaines d'autres personnes ont été torturées.

A Rabat, le ministre marocain des Affaires étrangères, Taieb Fassi Fihri, a déclaré que le capitaine Camara restait hospitalisé. "Nous n'avons rien à ajouter pour l'instant", a-t-il dit.


NdlR : La Commission d'enquête internationale est composée de trois membres : l'ancien ministre algérien Mohamed Bedjaoui, qui la préside, Françoise Kayiramirwa (Burundi) et Pramila Patten (Ile Maurice).