Burundi : baisse sensible des recettes publiques à cause de l'enlisement de la crise
Economie

PANA, 09 février 2016

Bujumbura, Burundi - L’Office burundais de recettes (Obr) n’a collecté que 590 milliards de francs burundais (près de 361 millions de dollars US), sur les 702 milliards prévus (autour de 430 millions de dollars US), soit un manque à gagner de l’ordre de 112 milliards (un peu plus de 68 millions de dollars) à mettre au passif de la crise socio-politique et économique de l’année 2015, a annoncé, mardi, Donatien Ndihokubwayo, le commissaire général de cet organisme public en charge de la gestion du secteur national des impôts et des taxes.

La crise n’a pas encore dit le dernier mot et l’Obr place la barre un peu plus bas par rapport à l’exercice précédent, en tablant sur des entrées encore réduites de l’ordre de 678 millions de francs burundais (près de 416 millions de dollars US).

C’est dans le même contexte d’une crise sans issue immédiatement prévisible que le budget de l’Etat, pour l’exercice 2016, a été également revu sensiblement à la baisse.

Des coupes sombres à tous les niveaux vont encore faire que les recrutements et l’avancement de grades dans la Fonction publique ne soient pas autorisés dans le budget général 2016, a déjà avisé le gouvernement, toujours du fait de la crise multiforme qui n’a que trop duré dans le pays.

Des salaires «réguliers» dans la Fonction publique restent la seule garantie du gouvernement à ses fonctionnaires dans le budget 2016 dont la révision à la baisse reste encore marquée par un déficit de plus de 100 millions de dollars US.

Pour surmonter tant de défis, l’Etat mise sur l’ingéniosité et le dynamisme de l’OBR dont les entrées contribuent pour près de la moitié au budget national.

Le reste provient généralement, en temps normal, des aides extérieures pour un pays qui ne compte essentiellement que sur l’exportation de la culture du café pour moins de 80 millions de dollars US, bon an, mal an.

La crise a fait fuir les principaux bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux qui contribuaient pour plus de la moitié des aides financières au développement du Burundi.

A titre indicatif, l’Union européenne (UE) contribuait, à elle seule, pour plus de 20% à ces aides étrangères, avant d’être parmi les premiers donateurs généreux à se désengager du pays, dès le début de la crise au Burundi.

Le gel de cette coopération financière porte sur un montant global de l’ordre de 420 millions d’euros initialement prévus pour financer des secteurs-clé de la Santé, de l’Energie, de l’Agriculture et l’Elevage, de l’Eau et l’Assainissement du milieu rural sur la période allant de 2014 à 2020.

Les Etats-unis, de leur côté, venaient également en bonne position des donateurs du Burundi avant de le rayer sur la liste des pays bénéficiaires de facilités d’importations et exportations vers cette partie du monde riche, en vertu de la loi américaine sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (AGOA).

La reprise de cette coopération bilatérale et multilatérale reste conditionnée fermement au dialogue inclusif que le gouvernement burundais doit enclencher pour mettre fin à l’une des graves crises politiques de ces 15 dernières années qui est partie d’un conflit électoral mal résolu entre le pouvoir et l’opposition.

La fin de la crise reste imprévisible et continue à tourner autour de la candidature déjà consommée du chef de l’Etat actuel, Pierre Nkurunziza, pour un troisième mandat à la tête du pays.

Un mandat jugé contraire à la Constitution et à l’Accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix et la réconciliation nationale dans les milieux de l’opposition, de la Société civile et jusque dans le camp du pouvoir.

La paralysie générale des activités socio-économiques, qui se fait aujourd’hui encore sentir, prend sa source dans les manifestations continues des mois passés d’opposants au troisième mandat présidentiel, principalement à Bujumbura, la capitale et poumon économique du Burundi.

Rares aujourd’hui encore sont les nuits qui passent sans que ne retentissent des coups defeu, d’explosions de grenades et d’obus au moindre contact entre des groupes d’insurgés contre le pouvoir et les éléments des corps de défense et de sécurité.

La destruction des biens, la fermeture de certaines entreprises, suivie de la suppression massive d’emplois, surtout dans le privé, la fuite de la main-d’œuvre qualifiée et journalière sont autant d’autres conséquences connues de la crise non encore résolue qui affecte considérablement le moral des masses laborieuses.

On estime déjà à autour de 300.000 Burundais, toutes catégories socio-professionnelles confondues, qui vivent cloîtrés dans des camps de réfugiés à l’étranger, essentiellement en Tanzanie, au Rwanda, en République démocratique du Congo, en Ouganda voisins, ou encore plus loin, en Zambie et en Occident par peur pour leur sécurité.

Les réfugiés burundais d’Ouganda sont les mieux intégrés socialement et économiquement, avec des terres à cultiver et à bâtir une nouvelle vie, témoignent certains d’entre eux.

Ceux des milieux d’affaires qui résistent encore au Burundi disent s’attendre à la décélération continue de l’économie nationale pour les mois à venir si, entre-temps, les initiatives locales et internationales ne sont pas venues à bout des antagonismes politiques pour le moment encore tranchés.

Le monde rural, où sont concentrés plus de 95% de la population du pays, quant à lui, fait face, depuis le retour des pluies, au mois d’octobre dernier, à des inondations catastrophiques qui emportent des champs, des maisons d’habitation et des infrastructures socio-économiques de base, faisant craindre une famine à grande échelle.

L’autosuffisance alimentaire restait jusque-là la garantie la plus sûre pour amortir la choc de la crise multiforme du moment au Burundi, disent les spécialistes des questions économiques à Bujumbura qui renvoient à la survie de la nation sous un précédent embargo international qui avait été décrété lors du putsch militaire de 1996 de l’ancien président burundais, le major Pierre Buyoya.

Au moins deux mouvements rebelles naissants fourbissent également les armes et font craindre le pire encore pour la suite d’une économie mal en point et qui s’accommode difficilement de manière générale, d’un environnement fait d’insécurité, s’inquiète-t-on encore dans les milieux d’affaires burundais et étrangers désireux d’investir dans le pays.