Kagame préférerait à Bujumbura un régime proche de celui du Rwanda
Analyses

RFI, 11 février 2016

Cette fois l’accusation est très directe : pour les Etats-Unis, le Rwanda est impliqué dans des activités déstabilisatrices pour le Burundi. L’envoyé spécial de Washington pour les Grands Lacs et la secrétaire d'Etat adjointe pour l'Afrique évoquent le recrutement de réfugiés burundais dans les camps installés au Rwanda pour participer aux cotés de l'opposition à des attaques armées contre le gouvernement de Bujumbura. On en parle avec Filip Reyntens, professeur à l’université d’Anvers en Belgique.

Pour quelles raisons le Rwanda chercherait-il à déstabiliser le gouvernent du Burundi ?

« Paul Kagame, le président du Rwanda, s’était déjà exprimé de façon fort hostile vis-à-vis du président burundais Nkurunziza en disant par exemple [si votre peuple ne vous veut pas, pourquoi est-ce que vous voulez vous représenter aux élections ?] C’était en avril 2015, il y a un peu moins d’un an. (…)

Je pense que le président Kagame préférerait avoir à Bujumbura un régime qui soit plus proche politiquement et idéologiquement du régime rwandais. (…) Les Etats-Unis ont été un allié fort du Rwanda tant diplomatiquement que militairement. Cela a changé depuis. Surtout après l’épisode de l’appui du Rwanda au M23, déstabilisateur pour le Congo alors que les Etats-Unis voulaient stabiliser le Congo.

Il y a une volonté forte du président Kagame de briguer un troisième mandat en 2017 et deux autres mandats qui pourraient faire en sorte qu’il soit président jusqu’en 2034. Cela va complètement à l’encontre de la politique américaine qui veut des institutions fortes et pas des hommes forts…».

Ecouter Filip Reyntens sur RFI

Par Nathalie Amar


RFI, 11-02-2016

Les Etats-Unis accusent le Rwanda de vouloir déstabiliser le Burundi

Les Etats-Unis ont accusé mercredi 10 février le gouvernement du Rwanda de chercher à « déstabiliser » le Burundi voisin en recrutant des réfugiés burundais pour les enrôler dans une opposition armée contre le régime du président Nkurunziza. La semaine dernière déjà, sur RFI, Tom Perriello, l'envoyé spécial des Etats-Unis pour les Grands Lacs, avait fait état de « rapports crédibles » sur le recrutement de combattants dans les camps de réfugiés. Cette fois, c'est devant la commission des Affaires étrangères au Sénat américain que cela s'est passé.

Les Etats-Unis n'avaient jamais été aussi clairs. Tom Periello évoque non seulement des « informations crédibles sur le recrutement de réfugiés burundais dans des camps de réfugiés au Rwanda », mais il explique clairement que l'objectif de ces recrutements est de « participer à des attaques armées conduites par l'opposition burundaise armée contre le gouvernement burundais ». Autrement dit, Washington accuse Kigali d'être « impliqué dans des activités déstabilisatrices » pour le Burundi voisin, selon les termes de la secrétaire d'Etat adjointe pour l'Afrique, Linda Thomas Greenfield.

Dès janvier, les services de renseignements militaires congolais pointaient le rôle présumé du Rwanda dans la formation de nouveaux groupes rebelles burundais. RFI l'avait révélé. Et la semaine dernière, une note confidentielle rédigée par un groupe d'experts indépendants pour l'ONU confirmait ces craintes sur la foi de témoignages recueillis auprès de 18 réfugiés burundais, dont six mineurs, dans le territoire frontalier d'Uvira en RDC. Ils disaient avoir été recrutés dans le camp de réfugiés de Mahama dans l'est du Rwanda en mai et juin 2015, puis avoir reçu un entrainement militaire de deux mois dans un camp en forêt rwandaise, avec 400 autres recrues. Une formation assurée en partie par des militaires rwandais, selon ces témoignages.

A l'époque, Kigali avait tourné en ridicule ces accusations sur Twitter sans répondre précisément sur le fond. Dans un communiqué rendu public ce mercredi, la principale plateforme d'opposition en exil, le Cnared, prend la défense du Rwanda et estime que ces accusations ne sont qu'une opération de communication pour chercher à déstabiliser Kigali.

Pancrace Cimpaye : « Nous sommes abasourdis et surpris parce que nous avons quand même l’impression que la communauté internationale est en train de déplacer le problème, alors que le problème est burundo-burundais, voilà que maintenant on est en train de transposer le problème dans le pays voisin. Nous avons senti que c’était une manipulation des services de renseignements burundais (...) »