La liberté de la presse fait à nouveau rêver au Burundi
Société

PANA, 04 mars 2016

 Bujumbura, Burundi - L’une des cinq radios privées indépendantes, "Isanganiro" (Carrefour des idées, en langue nationale, le kirundi), à avoir été réduites au silence depuis le mois de mai dernier, en était, vendredi, à son second journal parlé sur un ton libre et équilibré que les auditeurs avaient fini par oublier dans un pays où la liberté de la presse a considérablement reculé face une violente crise politique de bientôt une année au Burundi.

Par ricochet, la reprise des activités de Isanganiro a avantagé certaines voix discordantes qui avaient été bannies dans les médias publics restés intacts et permis encore de briser le tabou sur des sujets cachés de l’actualité brûlante au Burundi.

L’un des rares opposants encore présents au pays et ancien chef de l’Etat burundais, Domitien Ndayizeye, s’est exprimé librement, vendredi, sur les antennes de Isanganiro pour recommander au pouvoir de vite se résoudre à des négociations inclusives de toutes les tendances politiques concernées, "dans l’intérêt supérieur de la nation et de la paix".

Seule l’opposition "pacifique", qui n’a pas pris les armes contre le régime, est souhaitable à la table du "dialogue inter burundais", nuance-t-on du côté du pouvoir burundais qui ne veut pas entendre parler de "négociations".

La radio Isanganiro a encore brisé le silence pesant sur la "mal vie" dans les quartiers dits "contestataires" de Bujumbura, la capitale burundaise, en donnant la parole à quelques résidents pour déverser leur colère sur des forces de l’ordre public, accusées, à tort ou à raison, de se livrer à de "mauvais traitements" contre la population.

D’habitude, ces quartiers font parler d’eux à la radiotélévision nationale du Burundi (Rtnb, publique), pour des "actes criminels", comme la détention et l’usage illégaux d’armes de guerre, ou alors le phénomène nouveau de redditions volontaires de présumés insurgés contre le pouvoir.

Des activités officielles ont été également rapportées par la radio privée, notamment, le lancement officiel, vendredi, des travaux de la commission nationale sur la vérité et la réconciliation (Cvr) par le chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza.

Pour recouvrer toute sa santé professionnelle d’avant la crise, la radio doit néanmoins relever le défis d’énormes dégâts qu’elle a subis, estimés provisoirement, par le directeur intérimaire de Isanganiro, Samson Samson Maniradukunda, à au moins 350 millions de francs burundais (un peu plus de 212.000 dollars américains).

Le studio principal, l’émetteur central, les récepteurs, des ordinateurs et huit véhicules sont autant d’équipements et de moyens de reportage qui ont été endommagés dans les affrontements entre les auteurs de la tentative de putsch manqué de mai dernier et les forces loyalistes.

La radio doit encore trouver des salaires pour remettre au travail et payer régulièrement ses 42 anciens agents licenciés par la force majeure, dont 23 journalistes du siège, huit correspondants régionaux et 11 administratifs, selon le directeur intérimaire de Isanganiro.

Isanganiro avait été blanchie dernièrement par la justice burundaise, faute de preuves accablantes de s’être mise volontairement au service du général Godefroid Niyombare quand il s’est rabattu sur plusieurs médias indépendants pour revendiquer la prise du pouvoir après avoir perdu la bataille à la radiotélévision publique.

Le sort de la radio publique africaine (RPA), de Bonesha FM (l’éclaireur) et de la radio télévision Renaissance, les plus critiques, reste, par contre, incertain.

L’autre radio "Rema FM" (La rassurante, en langue nationale, le kirundi), réputée proche du pouvoir, avait été également autorisée à réémettre, en même temps que Isanganiro.

Toutes deux ont pris l’engagement écrit devant le conseil national de la communication(CNC) de travailler, dans l’avenir, plus professionnellement et d’œuvrer en faveur de la paix.

Pour nombre d’analystes à Bujumbura, ce geste d’apaisement est aussi un "test de bonne foi et de volonté politique" pour le pouvoir burundais qui reste sous de fortes pressions de la Communauté internationale sur la sensible question de la liberté d’expression et de la presse.