Les ponts entre Bujumbura et Bruxelles ne sont pas totalement rompus
Cooperation

PANA, 15 mars 2016

Le canal du dialogue reste "ouvert" entre l’UE et le Burundi

 Bujumbura, Burundi- Le délégué de l’Union européenne (UE), Patrick Spirlet, a tenté, mardi, d’atténuer le choc dans l’opinion suite aux sanctions économiques prises, la veille, par son institution contre le pouvoir burundais, en assurant que le dialogue allait continuer pour évaluer les progrès dans le processus inter-burundais de paix dont dépend la fin d’une violente crise politique de bientôt un an et la reprise de la coopération avec un pays qui comptait déjà, en temps normal, sur l’aide extérieure pour plus de 50% de ses besoins financiers.

Les ponts entre Bujumbura et Bruxelles ne sont pas totalement rompus et "nous continuerons à parler avec le gouvernement burundais pour voir comment ses engagements ont été mis en œuvre et s’ils répondent réellement à nos préoccupations", a nuancé au lendemain de la décision, le délégué de l’UE.

Un communiqué de presse sorti lundi, d’une réunion des 28 membres du conseil de l’UE, conditionne à nouveau la reprise de appuis techniques et financiers à un "retour rapide au respect des principes et valeurs démocratiques, des droits de l’homme et de l’tat de droit, sur la base de l’accord de Cotonou et des principes énoncés dans les accords d’Arusha".

L’article 96 de l’accord de Cotonou, au Bénin, permet la rupture de la coopération de l’UE avec tout pays d’Afrique, des Caraïbes et du pacifique (Acp/Cee) qui ne respecte pas les valeurs et principes démocratiques ainsi que les droits humains.

D’un autre côté, l’UE est l’un des parrains qui tiennent toujours au respect des accords inter burundais d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix et la réconciliation nationale ayant mis fin à la guerre civile des années 1990, après plus de 300.000 tués et autour d’un million d’exilés.

Les Européens pressent aujourd’hui encore par peur que le pays ne plonge dans une nouvelle guerre civile dans un pays où, depuis avril 2015, au moins 400 personnes ont été déjà tuées et autour de 260.000 autres se sont réfugiées dans les pays voisins.

L’UE a les moyens de ses pressions en tant que principal bailleur de fonds étrangers qui comptait encore injecter plus de 420 millions d’euros dans l’économie nationale, sur la période allant de 2015 à 2020.

Vers la fin de l’année dernière, l’UE avait envoyé un premier signal fort en direction du pouvoir burundais, en prenant des sanctions ciblées de gel des avoirs et de restriction de visas contre quatre hauts responsables au sein des appareils sécuritaires gouvernementaux.

Les Etats-unis d’Amérique avaient enfoncé le clou par une mesure élargie, pour la première fois depuis le début de la crise, à un membre du gouvernement burundais, l’actuel ministre de la Sécurité publique, Alain Guillaume Bunyoni.

Une autre étape a été franchie depuis le 1er janvier dernier, avec le retrait du Burundi de la liste des pays pouvant bénéficier de facilités et opportunités d’affaires avec les américains, dans le cadre du projet "Agoa".

L’officialisation de la nouvelle décision de l’UE à caractère financier a fait paniquer les milieux d’affaires à Bujumbura qui accédaient déjà péniblement aux devises fortes en cours d’assèchement suite aux effets conjugués de la crise politique et financière.

Du côté du gouvernement, on annonce qu’une première réaction à la décision de l’UE ne saurait tarder et pouvait tomber au courant de la journée de mardi. Le 8 décembre 2015, les deux parties n’étaient parvenues à aucun compromis sur le tant recherché dialogue inclusif de tous les protagonistes de la crise au Burundi.

Le pouvoir reste sur la ligne d’un dialogue avec l’opposition "pacifique" qui n’a pas trempé dans le " mouvement insurrectionnel" des "anti-troisième mandat" de l’actuel chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, et dans la tentative de putsch manqué qui était dirigé par des généraux de la police et de l’armée contre son régime, au mois de mai 2015.

L’autre signe du faussé qui sépare aujourd’hui encore les protagonistes de la crise au Burundi est que certaines voix, au sein de l’opposition, pavoisaient plutôt au lendemain de la décision de l’UE, en estimant que, cette fois, le pouvoir n’avait d’autre choix que de dialoguer par la force des choses, en évoquant les caisses de l’Etat qui sont "vides".

Sur le plan humanitaire, l’UE promet, dans son communiqué, qu’elle restera "fermement engagée auprès de la population burundaise dans cette crise qui a déjà fait plus de 400 morts et des milliers de blessés, et a forcé plus de 240.000 personnes à se réfugier dans les pays voisins".

Parallèlement, "des projets financés par l’UE, visant à assurer l’accès de la population aux services de base, mais sans acheminer les ressources financières par des comptes détenus par le gouvernement burundais, sont en cours d’élaboration", selon la même source.

La décision suspendant les appuis financiers "sera réexaminée régulièrement, au moins tous les six mois, et cela se fera à travers des missions de suivi du service européen pour l’action extérieure, associant les services de la Commission de l’UE", conclut le communiqué.