Après la sanction de l'UE, Bujumbura se tourne vers d’autres "Grands Amis"
Cooperation

PANA, 16 mars 2016

Le Burundi entame une offensive économique par la sous-région après le retrait des aides de l'UE

 Bujumbura, Burundi - Le hasard du calendrier a fait que le Kenya soit le premier pays étranger à annoncer, mercredi, sa volonté de rester économiquement et politiquement aux côtés du Burundi au moment où, la veille, l’Union européenne (UE) et principal bailleur extérieur venait de suspendre les aides directes, "faute d’engagements suffisants" du pouvoir burundais pour régler une crise politique de bientôt un an dans ce pays des Grands Lacs.

L’annonce a été faite par le nouvel ambassadeur du Kenya, Kenneth Nandi Vitisia, au premier vice-président du Burundi, en charge des questions économiques et sociales, Joseph Butore, d’après la radio nationale (publique).

Pour matérialiser l’élan nouveau de la coopération bilatérale, une commission mixte va se réunir prochainement, selon la même source.

Le Kenya n’en est pas à son premier coup de poker et certains de ses hommes d’affaires avaient prospéré en contournant l’embargo international dirigé contre le putsch militaire de l’ancien président burundais, le major Pierre Buyoya, en 1996.

La première économie sous-régionale fait du Kenya un important carrefour routier, maritime, aéroportuaire, financier, sanitaire, éducatif, culturel et sportif, particulièrement salutaire pour le Burundi perdu à plus de 1.200 kilomètres des premières côtes océaniques et maritimes.

L’Ouganda et la Tanzanie sont deux autres pays membres de l’EAC par lesquels le Burundi fait transiter les marchandises à l’importation et à l’exportation.

Les relations avec ces deux pays sont pour le moment à un état tiède suite à l’impact de la crise au Burundi sur le fonctionnement normal des institutions de la Communauté.

Au sein de cette même Communauté économique sous-régionale, les échanges de biens et de personnes ont connu un sensible ralentissement entre le Burundi et le Rwanda qui s’accusent de déstabilisation mutuelle.

Plus loin de la sous-région, d’autres "Grands Amis" sur lesquels le pouvoir burundais peut compter pour contourner le boycott de l’Occident sont, entre autres, la Chine, la Turquie ou encore la Russie.

Malgré la situation de crise qui a fait fuir, ces onze derniers mois, nombre de partenaires techniques et financiers étrangers, la Chine, quant à elle, n’a pas sourcillé pour maintenir et renouveler d’importants contrats de projets de travaux publics au Burundi.

Le gouvernement chinois a déjà planté des grues géantes sur les hauteurs-Est de Bujumbura, la capitale burundaise, dans le cadre d’un vaste chantier pour la construction de nouveaux bureaux de la Présidence de la République.

Un autre contrat a été encore signé récemment et porte sur la construction d’un complexe appelé à abriter de nouveaux bureaux du sénat à Gitega, la seconde ville du pays, située dans le centre du Burundi.

Sur le plan politico-diplomatique, le gouvernement chinois n’avait pas hésité à se féliciter de la réélection du président burundais, Pierre Nkurunziza, l’année dernière, pour un troisième mandat obtenu dans la controverse et qui reste au centre de la crise du moment au Burundi.

La Russie en avait fait pareil et plus récemment encore, le 9 février 2016, le deuxième vice-président de la république, Joseph Butore, a reçu une délégation économique venue droit de Moscou pour échanger sur le renforcement de la coopération dans divers domaines entre les deux Etats.

Le pouvoir burundais a également étendu ces derniers temps ses relations internationales à la Turquie qui a été sanctionnée par un accord de coopération économique et commerciale du 28 août 2015, soit au lendemain de la réélection du président burundais.

Le nouvel accord compte mettre un accent particulier sur le commerce et l’investissement, l’énergie et les ressources naturelles, l’agriculture et l’élevage, l’éducation et la santé ainsi que les sciences et la technologie, le tourisme ainsi que le sport.

En 2014, les deux pays en étaient à un volume d’échanges commerciaux évalué à 2,5 millions de dollars américains.

Au terme du nouvel accord, la Turquie s’est engagée à porter ce chiffre à au moins 20 millions de dollars par an d’ici à 2023 et a conseillé le Burundi de renforcer son infrastructure pour développer son économie.

L’accord, par étapes, prévoit d’abord la création d’un comité économique mixte qui constituera un mécanisme durable de suivi et évaluation des progrès réalisés, ensuite la signature d’un accord de libre échange entre les deux pays, puis la signature d’un accord concernant la protection des investissements pour assurer aux investisseurs un environnement juridique stable et favorable.

Ces différentes étapes devaient être suivies par la création d’un conseil d’affaires au sein du Conseil turc des relations économiques étrangères ainsi que la signature d’un accord sur la double taxation.

Dans les milieux d’affaires à Bujumbura, on doute néanmoins si tous ces « Amis » du Burundi pourront combler le déficit laissé par le départ des Occidentaux.

L’UE a suspendu un financement annoncé de plus de 420 millions d’euros, soit l’équivalent de 23% du volume total des aides de la Communauté internationale au Burundi.