Bataille de procédures sur des cas d’exécutions extrajudiciaires au Burundi
Justice

PANA, 30 mars 2016

 Bujumbura, Burundi - Le Parquet général de la République du Burundi a accusé, mercredi, un collectif d’avocats d’avoir faussé délibérément les procédures judiciaires légales en s’en remettant directement à la Cour pénale internationale (Cpi) pour le compte de 60 familles burundaises victimes d’exactions extrajudiciaires liées à bientôt un an d’une grave crise socio-politique dans le pays. [Photo : Des avocat burundais manifestant en août 2011 devant le le palais de justice de Bujumbura]

Une telle démarche n’avait pas de raison d’être du moment que des enquêtes sont menées "chaque fois qu’une infraction est commise sur le territoire burundais en vue des poursuites judiciaires contre l’auteur, qui qu’il soit", laisse entendre le parquet dans un communiqué.

Par ailleurs, "s’il y a des faits qui n’ont pas été poursuivis, c’est faute d’avoir été portés à la connaissance du ministère public", estime encore le parquet de la République.

Les familles burundaises des victimes présumées sont assistées par Mes Armel Niyongere, avocat au barreau du Burundi, Léon Lef Forster, avocat au barreau de Paris, et Bernard Maingain, avocat au barreau de Bruxelles.

Le parquet doute encore de l’impartialité et de l’objectivité de certains des avocats, comme Bernard Maingain et Armel Niyongere, en rappelant qu’ils sont mêlés dans une tentative de putsch manqué de mai dernier au Burundi.

Dans un communiqué publié le 24 mars, les avocats disaient avoir d’ores et déjà écrit à la Cour pénale internationale et au Haut Commissaire aux Droits de l’Homme des Nations unies pour qu’ils puissent collaborer activement à la collecte des preuves concernant les circonstances de ces exécutions et l’identification des commanditaires, auteurs, coauteurs et complices des meurtres.

Les mêmes avocats demandaient encore à pouvoir rencontrer les membres du Bureau du Procureur en charge des enquêtes à la Cour pénale et les membres du Comité des experts des Nations unies en droits humains en vue d’examiner les voies et moyens de mener ces enquêtes, sans mettre en danger les parties civiles qui vivent toujours au Burundi.

La motivation des familles étant de "lutter contre l’impunité et d’amener un jour devant les Cour et Tribunaux les personnes qui ont participé à ces crimes, quelle que soit leur position actuelle dans l’appareil d’Etat burundais. Cette lutte contre l’impunité est une priorité et aucune pression, y compris les pressions sur les avocats, ne les fera reculer".

Les Nations unies ont déjà produit de nombreux rapports alarmants sur la crise au Burundi dont le plus, le 22 mars dernier, d’une mission d’experts indépendants en droits humains, laisse entendre que plus de 4.950 personnes ont été détenues dans le contexte de la crise, dont 1.834 le restent aujourd’hui encore.

La même source indique qu’il y a eu 496 allégations de tortures ou de mauvais traitements sur des détenus de la crise. Les Nations unies s’inquiètent, par ailleurs, des violations actuelles des droits de l’Homme au Burundi qui n’affectent pas seulement l’avenir du pays, mais aussi celui de toute la région des Grands Lacs.

Le rapport d’experts des Nations unies rappelait que le 4 mars dernier, environ 250.000 réfugiés burundais étaient encore recensés dans les pays voisins.

Par ailleurs, entre le début de la crise, en avril 2015, et le 1er mars dernier, au moins 474 personnes ont été tuées et 36 autres auraient été victimes de disparitions forcées.

Des arrestations récentes, mais aussi des intimidations, des harcèlements et de tortures sont autant d’autres sources de préoccupations pour les Nations unies qui trouvent encore que l’espace dont bénéficie aujourd’hui la société civile reste "extrêmement réduit".

Les Nations unies demandent, en outre, des enquêtes approfondies sur des fosses communes supposées contenir des centaines de victimes de la crise, avec l’aide des services de médecine légale du bureau du Haut commissariat aux droits de l’Homme (Hcdh) au Burundi.

En plus des violations des droits humains imputables aux agents du pouvoir, les Nations unies signalent l’apparition, en décembre dernier, de deux groupes d’opposition armés qui sont venus aggraver les violences au Burundi.