Bujumbura cherche à se dédouaner dans la mort d’un ancien ministre rwandais
Justice

PANA, 31 mars 2016

Une autopsie envisagée pour élucider la mort inopinée d’un détenu rwandais au Burundi

 Bujumbura, Burundi - Le ministère burundais de la Justice a envisagé, jeudi, de faire pratiquer une autopsie sur le corps d’un ancien ministre rwandais, Jacques Bihozagara, au lendemain de sa mort en détention préventive à Mpimba, la prison centrale de Bujumbura, sous le chef d’accusation d’"espionnage" pour le compte du pays d’origine, rapporte la radio nationale (publique).

L’ancien ministre à différents postes et ambassadeur du Rwanda en France ainsi qu’en Belgique, revenait souvent, ces derniers temps, pour des affaires privées au Burundi où il a, par ailleurs, passé une partie de sa tendre jeunesse en exil.

Au mois de décembre dernier, des services burundais des renseignements l’avaient arrêté dans des circonstances non élucidées puis transféré à la prison centrale de Mpimba.

Les rares informations à avoir circulé jusque-là de l’intérieur de la prison et de la représentation diplomatique rwandaise à Bujumbura, indiquent que la mort de M. Bihozagara est intervenue dans la journée de mercredi, suite à un malaise d’origine inconnue.

La mort de M. Bihozagara tombe au plus mauvais des relations de voisinage depuis l’éclatement, fin avril dernier, d’une grave crise politique liée, au départ, à un conflit électoral mal résolu entre le pouvoir et l’opposition au Burundi. Le pouvoir de Bujumbura accusant celui de Kigali d’ingérence dans les affaires intérieures du Burundi par réfugiés de la crise interposés.

La dégradation croissante des relations entre les deux pays s’est durcie, notamment, par l’expulsion, en octobre dernier, du premier conseiller de l’ambassade du Rwanda à Bujumbura, Désiré Nyaruhirira, suspecté d’être impliqué dans la déstabilisation du Burundi.

La tentative de coup d’Etat manqué de mai dernier contre le pouvoir burundais avait encore tendu les relations avec le Rwanda, accusé d’avoir accueilli sur son territoire des généraux putschistes et de soutenir des groupes armés qui déstabilisent son voisin du sud, malgré les démentis maintes fois répétés de Kigali.

De son côté, le Rwanda suspecte le Burundi d’abriter des éléments résiduels des forces démocratiques de libération du Rwanda (Fdlr) à l’origine du génocide rwandais de 1994, ce que dément également Bujumbura.

Plus récemment encore, au mois de février, les services de sécurité burundais ont exhibé devant la presse, un caporal de l’armée rwandaise, Cyprien Rucyahintare, matricule 284049, en le faisant passer pour un “espion” à la solde du Rwanda.

Les autorités de Kigali avaient répondu aux allégations d’espionnage militaire qu’un tel nom ou matricule n’existaient pas au sein des forces armées rwandaises.

Le père de l’espion supposé était revenu à la charge dans les médias rwandais pour présenter son fils prodige comme un "vaurien" qui vivait du vol de petites choses, comme les poules et les aliments dans des ménages d’autrui.

L’année dernière encore, un journaliste indépendant rwandais, Besabesa Mivumbu, avait été arrêté dans le nord-est du Burundi, également sous le chef d’accusation de se livrer à de l’espionnage pour le compte de son pays, avant d’être libéré par la suite.

La tension ne retombe pas et le chef de la diplomatie burundaise, Alain Aimé Nyamitwe, a redit, en début de cette semaine, la détermination de son pays à porter plainte contre le Rwanda auprès des instances judiciaires internationales habilitées sur la base de "preuves tangibles" de violation de la souveraineté nationale.

Depuis le mois de février dernier, le gouvernement burundais a encore dédié tous les samedis de la semaine à des marches-manifestations populaires à travers le pays, jusqu’à ce que cessent les ingérences du Rwanda et de son président dans les affaires intérieures du Burundi.