Burundi : "le langage de la violence a déjà montré ses limites", avertit Washington
Diplomatie

PANA, 03 avril 2016

Les Américains croient encore en une solution négociée à l’inextricable crise politique au Burundi

 Bujumbura, Burundi - Le Secrétaire-d'état adjoint pour la démocratie, les droits de l’homme et le travail au département d’Etat américain, Tom Malinowski, a achevé samedi, une visite de travail de deux jours au Burundi sur un appel renouvelé et un espoir d’une solution pacifiquement négociée entre tous les protagonistes de la crise politique en cours dans le pays, depuis bientôt un an.

Dans les chiffres de cette interminable crise, l’association de défense des droits humains et des détenus (Aprodh, la plus connue et indépendante dans le pays) a sorti, vendredi, un rapport faisant état de près de 1.100 vies humaines qui ont été déjà perdues et autour de 260.000 exilés forcés.

C’est de loin un bilan supérieur à celui de la Commission nationale des droits de l’homme, dépendant du gouvernement, qui donnait, la veille, au Parlement, un chiffre de 381 victimes de la crise, contre 474 tués du Haut commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme.

Dans tous les cas, le diplomate américain a estimé, avec force conviction, que le langage de la violence a déjà montré ses limites et qu’il était grand temps de donner la chance à une solution pacifiquement négociée de sortie d’une crise née, en avril dernier, de la volonté de l’actuel chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, de briguer un troisième mandat à la tête du pays.

Les Américains se battaient encore, vendredi, au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies pour un déploiement massif de troupes étrangères de maintien de la paix au Burundi, contre l’avis du reste des membres, principalement la France, plutôt favorable à une centaine d’observateurs militaires et policiers.

La même solution négociée, avec un président encore contesté hier par la communauté internationale, est soutenue par l’Union africaine (UA), l’Union européenne (UE) ou encore la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE/EAC) dont la récente trouvaille est de renforcer la médiation hésitante de l’actuel chef d’Etat ougandais, Yoweri Museveni, par celle de l’ancien chef d’Etat tanzanien, William Mkapa.

Les débuts du nouveau médiateur adjoint ne semblent pas non plus enthousiastes pendant que la crise a déjà débordé les frontières nationales et fait craindre l’effet contagion au reste de la sous-région fragile des Grands Lacs.

Le diplomate américain a dit que son pays suivait de près les allégations d’ingérence du Rwanda voisin dans les affaires intérieures du Burundi, par réfugiés interposés.

Le Rwanda abrite un peu plus de 74.000 des 250.000 réfugiés recensés dans différents pays voisins et fermerait les yeux sur ceux d’entre eux qui se livreraient à des entraînements militaires, accuse le pouvoir burundais.

"Nous avons eu une discussion franche à ce sujet avec les autorités rwandaises et la situation semble s’être sensiblement améliorée", a laissé entendre M. Maliwski.

L’émissaire américain a également exprimé l’opposition de son pays à des coupes prévues par l’UE dans les salaires destinés au contingent burundais évoluant au sein de la mission africaine de maintien de la paix en Somalie (Amisom).

L’UE a déjà suspendu les appuis financiers directs au gouvernement burundais, accusé de ne pas en faire assez pour favoriser un dialogue de sortie de crise avec l’opposition.

Le nouveau volet des sanctions de l’UE consisterait à supprimer les montants indexés aux salaires des militaires en mission de maintien de la paix qui sont jusque-là directement reversés au gouvernement burundais pour un peu plus de 10 millions de dollars us annuels.

Le contingent burundais présent au sein de l’Amisom est évalué à 5.400 éléments percevant chacun, 1000 dollars us par mois, dont 200 reviennent au trésor public.

Des organisations burundaises de la société civile et certains autres adversaires politiques soutiennent auprès des bailleurs de fonds étrangers qu’une partie de l’argent de l’Amisom est utilisée par le pouvoir burundais pour mater son opposition et violer les droits de l’homme.

Les troupes burundaises sont les secondes en importance numérique au sein de l’amisom et comptent encore sur les appuis techniques et financiers des Américains pour accomplir leur mission à l’étranger.

Washington voit d’un œil bienveillant tous les pays africains engagés au sein de l’Amisom et qui sont en passe de réussir là où les troupes américaines avaient lamentablement échoué à ramener la paix, dans le bourbier somalien, il y a bientôt une trentaine d’années.

On note toutefois que les Américains ne sont pas pressés de revenir sur leurs sanctions ciblées contre quatre hauts responsables de l’appareil sécuritaire burundais, dont l’actuel ministre de la sécurité publique, Alain Guillaume Bunyoni, pour leur rôle jugé actif dans la répression des opposants au troisième mandat présidentiel controversé.

Rien ne semble non plus indiquer que les Américains sont prêts à remettre vite le Burundi sur la liste des pays bénéficiaires des facilités d’affaires dans le cadre du projet AGOA (African Growth and Opportunity Act).