L'avion de Habyarimana abattu par des soldats hutu rwandais, selon Kigali
Afrique

@rib News, 13/01/2009 – D’après Associated Press et AFP

Les débris de l'avion présidentiel rwandaisLe rapport d'enquête rwandais sur l'attentat contre l'avion du président Habyarimana, le 6 avril 1994, a été rendu public lundi 11 janvier 2010. La commission, dirigée par Jean Mutsinzi, juge à la Cour suprême rwandaise, a conclu que des soldats hutu de l'armée rwandaise avaient abattu l'avion présidentiel, attentat considéré comme l'élément déclencheur du génocide au Rwanda.

Après presque deux ans de travail et l'audition de 557 témoins, les 7 enquêteurs rwandais ont conclu à l'implication d'extrémistes hutus et dédouanent le Front patriotique rwandais (FPR). Une conclusion en totale contradiction avec les conclusions de l'enquête française du juge Bruguière qui avait lui mis en cause la rébellion du FPR de Paul Kagame, aujourd'hui chef de l'Etat.

De l'avis du comité rwandais, le Falcon 50 du président Habyarimana a été abattu à partir du domaine militaire de Kanombe, une zone proche de l'aéroport. Pour contredire l'hypothèse du juge Bruguière, le rapport s'appuie sur une expertise balistique britannique et sur des témoins directs.

Des témoins cités par la commission, ont décrit des tirs de ce qui semblait être des missiles depuis une caserne de l'armée rwandaise à Kigali. La commission a donc conclu que la responsabilité de l'attentat ne pouvait être attribuée à la rébellion tutsie.

Les enquêteurs rwandais assurent que les rebelles du FPR n'auraient pas pu s'infiltrer à cet endroit.et démontrent que l'attentat ne peut être que l'œuvre d'éléments radicaux des forces armées rwandaises.

Les Forces armées rwandaises (FAR) possédaient des missiles, dit aussi le rapport, contrairement aux conclusions du juge français. Le texte cite le nom de plusieurs extrémistes dont celui de Theoneste Bagosora, - condamné à perpétuité par le TPIR pour son rôle-clé dans le génocide - mais ne s'avance pas sur l'identité des auteurs du tir du missile.

Le mobile de l'attentat est clair, selon la commission : les extrémistes hutus ont voulu couper court à l'ouverture politique engagée par le président Habyarimana qui venait de signer un accord avec le FPR de Paul Kagame, un ennemi avec lequel ils n'imaginaient pas partager la scène politique et militaire. 

Habyarimana regagnait le Rwanda après des pourparlers avec le FPR, et les extrémistes hutu et nombre d'officiers de l'armée étaient opposés à tout accord de partage du pouvoir avec eux, ajoute la commission.

"Via des mises en garde répétées et sans équivoque, ils lui ont signalé qu'il signerait son arrête de mort s'il acceptait la mise en œuvre de l'accord (de partage du pouvoir) et c'est exactement ce qui s'est passé", estime-t-elle dans ses conclusions.

La commission Mutsinzi a interrogé plus de 500 personnes qui étaient à l'époque en fonctions, y compris des responsables étrangers.

Elle avait été mise sur pied en octobre 2007, en réponse à une enquête du juge français Jean-Louis Bruguière qui avait accusé Kagame d'avoir commandité l'assassinat d'Habyarimana.

Le Rwanda avait rompu des relations diplomatiques déjà tendues avec la France le 24 novembre 2006, deux jours après que le juge Bruguière eut délivré neuf mandats d'arrêt visant des personnalités du régime rwandais soupçonnées d'avoir participé à l'attentat.

L'Etat français n'est pas mis en cause directement par la commission rwandaise. Le rapport Mutsinzi critique cependant le travail du juge français Jean-Louis Bruguière et dénonce la faiblesse des preuves de la mission d'information parlementaire française. La commission pointe aussi le comportement troublant de certains militaires français en poste au Rwanda à l'époque.


NdlR : Pour rappel, outre Juvénal Habyarimana, onze personnes, dont le président burundais Cyprien Ntaryamira, sont mortes dans cet attentat contre l'avion du président rwandais.