Burundi : Washington remet un coup de pression sur le pouvoir
Diplomatie

PANA, 19 avril 2016

Les Etats-Unis multiplient des mises en garde contre le danger de l’impasse politique au Burundi

 Bujumbura, Burundi - L’Envoyé spécial des Etats-Unis dans la région des Grands lacs, Thomas Perriello (photo), a déploré mardi le peu de progrès déjà réalisés dans le règlement de la crise burundaise de bientôt un an et le danger qui guette le pays par manque de volonté manifeste de trouver une solution pacifiquement négociée entre les différents acteurs politiques concernés.

Lors de sa visite du début du mois d’avril dernier, le secrétaire d’Etat adjoint américain pour la démocratie et les droits de l’homme, Tom Malinowski, était encore allé plus loin, en fustigeant un "discours fou et haineux" qui sous-tend encore la crise au Burundi ainsi que les responsabilités premières du pouvoir burundais.

"Il nous semble parfois que le gouvernement essaie de jouer la montre, mais il pourrait bien être pris à son propre jeu; car il est en train de perdre le soutien de l’Union européenne à son budget et aux paiements de la présence de ses militaires au sein de la Mission africaine de maintien de la paix en Somalie (AMISOM). L’économie du pays se dégrade. Comment va-t-il pouvoir se financer ? Comment va-t-il payer ses forces de sécurité ? Ce ne sont pas que des questions morales, mais des questions pratiques auxquelles le gouvernement va devoir répondre. Il n’agit pas dans son propre intérêt même s’il pense le faire", avait enchaîné M. Malinovski, laissant derrière lui un souvenir amer dans les milieux officiels à Bujumbura pour ses propos "peu diplomatiques".

L’envoyé spécial du gouvernement américain dans la région des Grands lacs, de son côté, clôturait la septième visite de bons offices au Burundi depuis le début de cette année.

Avant d’entamer la nouvelle visite à Bujumbura, Tomas Perrielo a pris d’autres contacts avec des opposants politiques burundais en exil dans certaines capitales européennes.

Le constat général qu’il a dégagé de ses différents efforts est que les protagonistes de la crise burundaise, en mettant lui aussi le gouvernement burundais en tête, avancent d’un pas pour en reculer de deux autres dans la recherche de la paix pour leur pays.

M. Periello a soutenu que ce sont des services gouvernementaux à rendre comptables de près de 400 cas de violations des droits humains par des arrestations arbitraires, des traitements inhumains et dégradants depuis le début de cette année.

D’un autre côté, l’envoyé spécial des Etats-Unis a déploré le fait que 200 observateurs internationaux des droits de l’homme n’ont toujours pas reçu d’accréditations par le gouvernement burundais.

Une mesure de grâce présidentielle en faveur des détenus politiques n’a pas non plus été honorée comme s’y attendaient les Américains, a-t-il encore relevé.

Au mois de février dernier, le président burundais, Pierre Nkurunziza, s’était engagé devant le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki Moon, à gracier sans délais, 2.000 détenus pour apaiser le climat sociopolitique délétère dans le pays.

La situation socio-économique grave que traverse le pays a encore inquiété le diplomate américain pour qui elle est la conséquence directe du refus du gouvernement burundais de répondre favorablement à la recommandation pressante des donateurs étrangers d’ouvrir un dialogue sincère et inclusif de tous les acteurs de la crise.

Les Etats-Unis ont eux aussi décidé des sanctions unilatérales ciblées contre certains responsables de l’appareil sécuritaire gouvernemental pour leur rôle présumé dans la répression des opposants au troisième quinquennat controversé du président Nkurunziza.

Le gouvernement américain va intensifier les efforts d’assistance humanitaire aux milliers de Burundais qui sont allés se réfugier dans les pays voisins par peur pour leur sécurité, a annoncé de son côté M. Periello à l’issue de sa visite à Bujumbura.

Près de la moitié des 250.000 réfugiés burundais recensés dans les pays voisins ont été accueillis en Tanzanie voisine où M. Periello s’est aussitôt rendu, après Bujumbura, pour des consultations avec le nouveau médiateur-adjoint dans la crise burundaise, l’ancien président tanzanien, William Benjamin M’Kapa.

La médiation en chef était monopolisée, depuis le milieu de l’année dernière, par l’actuel président ougandais, Yoweri Kaguta Museveni.

Les efforts du médiateur de la communauté d’Afrique de l’Est/East african community (CEA/EAC) sont restés à l’étape de la prise de contact avec les différents protagonistes de la crise burundaise, début janvier 2016 à Kampala, la capitale ougandaise.

Comme à chaque important rendez-vous diplomatique dans la crise au Burundi, un regain d’insécurité et une démonstration des forces en présence ont été observés durant le séjour du diplomate américain à Bujumbura où au moins deux personnes ont été tuées et dix autres blessées dans des explosions de grenades non revendiquées.