Une crise multiforme s’installe dans la durée au Burundi
Politique

PANA, 26 avril 2016

 Bujumbura, Burundi - Le Burundi a franchi, mardi, le seuil psychologique d’une année de crise à la fois sécuritaire, politique, économique, humanitaire et diplomatique dont l’issue relève d’un pari risqué à court terme au regard des positions toujours radicales des premiers concernés et la lassitude qui commence à gagner ceux de la Communauté internationale au chevet du pays.

Le point de départ de la crise se situe au 25 avril 2015, quand le chef de l’Etat sortant, Pierre Nkurunziza, a été plébiscité par un congrès extraordinaire de son parti pour briguer un troisième mandat.

Le lendemain, les principaux partis politiques de l’opposition, les organisations de la société civile engagés dans une campagne nationale dite "Halte au troisième mandat!" ainsi qu’une centaine de frondeurs du camp présidentiel mettent à exécution leur mot d’ordre de manifester dans la rue contre le troisième mandat.

Le mouvement de rue s’essouffle au bout de trois semaines d’une forte répression des manifestants par les forces de sécurité gouvernementales.

Les éléments loyalistes viennent encore à bout d’une tentative de putsch manqué orchestrée à la mi-mai, par une partie de l’armée et de la police nationale, dans l’espoir de récupérer le mécontentement populaire.

Plusieurs radios privées indépendantes sont, dès le lendemain de la tentative de putsch, détruites par le feu, d’autres obligées de fermer pour avoir donné la parole aux chefs des mutins désireux de revendiquer leur coup par la voie des ondes.

Ce n’est cependant pas pour autant que la sécurité promise par le pouvoir, avant les premiers scrutins de l’été dernier, est revenue.

Lundi, à la veille du triste anniversaire, l’on a assisté à l’assassinat au grand jour d’un officier supérieur de l’armée et ancien commandant en chef-adjoint des casques bleus onusiens en République centrafricaine (Minusca), le général de brigade, Athanase Kararuza.

La victime est venue allonger une liste d’entre 400 et 1000 personnes déjà tuées, toutes catégories réunies, depuis le début de la crise, en avril 2015, selon des sources discordantes.

La crise atteindra un nouveau pallier, les 11 et 12 décembre 2015, suite à des attaques simultanées et coordonnées d’opposants armés contre quatre garnisons militaires de la capitale.

Le bilan fut lourd de près de 80 tués, dont 70 du côté des assaillants, suivis, le lendemain, par des représailles attribuées aux forces de sécurité ayant fait plus d’une centaine de morts dans certains quartiers contestataires de la capitale.

Au niveau politique, on assiste à une fuite en avant des protagonistes de la crise partagés entre un dialogue hésitant et l’illusion d’en découdre par les armes.

La quête du pouvoir des uns et des autres ne s’embarrasse pas non plus du piteux état dans lequel se trouve l’économie nationale, déjà structurellement mal en point.

Le Burundi occupe la queue dans les classements mondiaux les plus récents des pays les plus pauvres de la planète.

Les fonctionnaires de l’Etat retiennent le souffre à chaque fin de mois, en se demandant si les salaires leur seront ou pas versés, tandis que d’un autre côté, le pouvoir d’achat ne cesse de se rétrécir comme une peau de chagrin chez les bourses moyennes.

Le coup de grâce est venu en début d’année d’une décision de retrait des aides directes qui a été prise par l’Union européenne (Ue) et principal donatrice du Burundi.

En ce qui est de l’humanitaire, les Nations unies chiffrent aujourd’hui à près d’un quart de la population burundaise qui a fui le pays d’origine et qui survit grâce à une maigre et incertaine assistance d’une Communauté internationale ayant des priorités ailleurs.

En interne, l’office humanitaire des Nations unies (Ocha) cherche à réunir des moyens financiers pour assister plus d’un million de Burundais doublement éprouvés par la crise politique et les conséquences du changement climatique.

Sur le plan diplomatique, le Burundi a fini par s’isoler sur la scène internationale et rien n’indique que la crise interne ne risque pas de déborder les frontières du pays, notamment au regard des tensions déjà au comble avec le Rwanda, accusé d’ingérence dans les affaires intérieures de son voisin du sud.

Les protagonistes de la crise restent encore sourds aux nombreuses résolutions préventives des Nations unies, aux sommets sous-régionaux et régionaux ou encore aux visites diplomatiques de bons offices souvent de très haut niveau.

Les 15 membres du Conseil de Sécurité et le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki- Moon, sont passés par là plus d’une fois, sans faire bouger les lignes de démarcation dans les positions des acteurs politiques locaux concernés par la crise.

L’Union africaine (Ua) a également mis le paquet en dépêchant dernièrement un panel de cinq chefs d’Etat du continent, sans obtenir l’engagement ferme du pouvoir burundais à un dialogue incluant toute l’opposition.

A chaque contact diplomatique, les opposants au régime actuel répètent à qui veut les entendre que le tort revient à l’actuel chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, qui n’avait pas à briguer un troisième quinquennat contraire à la constitution et l’accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix et la réconciliation nationale.

Le nouveau président du Conseil national pour la défense de l’accord d’Arusha et la restauration de l’Etat de droit (Cnared, principale plateforme de l’opposition, Jean Minani, a inauguré son mandat, le week-end dernier, sur une revendication d’un gouvernement de transition chargé de préparer d’autres élections plus crédibles et inclusives, sans toutefois qu’il soit piloté par l’actuel chef de l’Etat burundais.

Le Conseil national pour la défense de la démocratie/forces de défense de la démocratie (Cndd-Fdd) fêtait, lundi soir, le premier anniversaire du nouveau mandat présidentiel et a redit son opposition catégorique à une remise en cause du verdict populaire de l’année passée.

"Nous sommes ouverts à tout dialogue avec l’opposition, à condition qu’il porte sur la préparation des élections suivantes de 2020", a été catégorique, l’actuel leader du Cndd-Fdd, en même temps président de l’Assemblée nationale, Pascal Nyabenda.

Sur un autre front non moins délicat, le pouvoir tente difficilement de tenir à l’écart, les corps de défense et de sécurité, des sollicitations politiciennes dont ils font toujours l’objet après la tentative de putsch manqué de mai dernier et les divisions qui sont apparues au sein de la "Grande muette".

Après l’échec du putsch, certains mutins et déserteurs sont allés grossir les rangs de rébellions naissantes ayant l’ambition de renverser le régime par la force des armes.