La situation au Burundi au menu de la visite de Reynders dans la sous-région
Diplomatie

Le Soir, 27 avril 2016

Le Burundi, un souci de Luanda à Kinshasa

Le carnet de Colette Braeckman

 De Luanda à Kinshasa, Didier Reynders, en plus des problèmes particuliers se posant tant en Angola qu’en République démocratique du Congo, a eu l’esprit en partie mobilisé par la situation au Burundi.

Il y a un an, très exactement le 25 avril 2015, qu’a commencé la descente aux enfers de ce pays, lorsque le CNDD, le parti du président Nkurunziza a annoncé qu’il présenterait la candidature du chef de l’Etat sortant à un troisième mandat. [Photo : Didier Reynders a rencontré lundi 25 avril 2016 à Luanda le président angolais Jose Eduardo dos Santos.]

Aujourd’hui que la violence politique a engendré 250.000 réfugiés et fait de 400 à 600 morts, les débats purement politiques et les manifestations de masse dans les quartiers majoritairement tutsis de Bujumbura ont fait place à une terreur quotidienne, à des assassinats qui, en ce moment, visent principalement des officiers de l’ancienne armée burundaise : dimanche, au sortir de la messe, un officier a été grièvement blessé par une grenade lancée à bout portant.

Figure connue, il était chargé du renseignement et de l’observation des droits de l’homme dans une cellule proche de la présidence. Le lendemain, le général de brigade Athanase Kazazura tombait lui aussi sous les balles d’un inconnu, en même temps que son épouse et son garde du corps, son enfant étant très grièvement blessé.

La liquidation de ce conseiller principal à la vice présidence, abattu avec les siens, a suscité beaucoup d’émoi car cet officier avait occupé de hautes fonctions au sein de la force des Nations unies déployée en Centrafrique.

Les attentats visant des officiers tutsis issus de l’ancienne armée burundaise et loyaux au régime issu des accords d’Arusha ont semé une inquiétude d’autant plus vives que d’autres de leurs compagnons d’armes sont désormais mutés en province, éloignés des leurs qui se sentent sans défense.

Au vu de ces nouvelles inquiétantes, Didier Reynders n’a pas seulement dénoncé avec force les « assassinats ciblés », il a aussi mis la situation du Burundi au menu de ses entretiens, tant à Luanda qu’à Kinshasa.

Il apparaît que, dans ces deux pays, l’initiative récente de la Tanzanie est suivie avec le plus grand intérêt : l’ex président Mkapa, désigné comme facilitateur dans la crise burundaise, compte organiser un dialogue à Arusha, afin de trouver une solution négociée à la crise de légitimité qui déchire le Burundi.

Dans la région il se murmure en effet qu’il sera impossible, dans l’immédiat, d’obliger le président burundais à quitter le pouvoir, mais qu’un délai pourrait être discuté avec un régime qui, de toutes manières, se trouve aux abois. En effet, malgré les capacités de résilience d’une population majoritairement rurale, les sanctions économiques commencent à produire leur effet et la Cour pénale internationale a décidé, enfin, d’ouvrir le dossier Burundi.

De plus,-ce qui contredit l’interprétation strictement ethnique de la crise- les assassinats ne visent pas uniquement l’opposition : les militaires récemment abattus étaient des hommes connus pour leur loyauté, qui avaient, entre autres, fait échouer la tentative de coup d’état de mai 2015…

A Kinshasa également, M. Reynders a longuement discuté du Burundi avec le ministre des Affaires étrangères Raymond Tshibanda. Ici aussi, l’inquiétude est bien réelle : le Congo craint de devoir accueillir un nouvel afflux de réfugiés et renâcle devant la proposition du HCR de préparer au Sud Kivu un camp qui pourrait accueillir 250.000 personnes.

Pour M. Tshibanda, « la seule solution c’est le dialogue entre toutes les parties » et lui aussi fait confiance à la médiation tanzanienne, assurant que c’est au niveau de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) et de la Communauté est africaine qu’une solution doit être trouvée.

Autrement dit, les préoccupations du ministre belge des Affaires étrangères ont été chaleureusement accueillies dans deux des pays clés de la région, qui ont apprécié que, malgré ses problèmes, la Belgique se soucie encore de l’Afrique centrale. Mais dans les deux cas également le message a été clair : c’est en Afrique et nulle part ailleurs que se trouvera la solution.