La crise au Burundi ravive une "guerre froide" entre les Grands de ce monde
Diplomatie

PANA, 29 avril 2016

Bujumbura, Burundi - Les Russes et les Chinois ont encore fait échec, mardi, à un nouveau projet de résolution au Conseil de Sécurité des Nations unies visant à déployer une force internationale de protection et de stabilisation de la situation délétère de crise sociopolitique au Burundi, à l’initiative de la France, avec l’appui des Américains.

Le lendemain, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, le Jordanien Zeid Ra’ad Al Hussein, alertait sur les assassinats ciblés qui ont fait au moins 31 victimes au cours de ce seul mois d’avril, dont le plus récent et symptomatique de la gravité de la situation au Burundi, a emporté la vie du général de l’armée nationale, Athanase Kararuza, et celle de son épouse, lundi, contre neuf cas, en mars.

Les grands de ce monde tergiversent tout en s’accordant néanmoins sur la nécessité de suivre au plus près une situation de crise à un "tournant dangereux", de l’avis même de l’envoyé spécial des Nations unies au Burundi, le Marocain Jamel Benomar, pour qui encore, "il n’y a plus de temps à perdre".

Fidèles au principe de "non-ingérence dans les affaires intérieures", d’autres Etats, les Russes et les Chinois ainsi que bon nombre de leurs alliés africains au sein du Conseil de Sécurité, notamment les Angolais, souscrivent à l’accord de principe du gouvernement burundais de ne recevoir qu’entre 20 et 30 éléments d’une police internationale chargés d’assister et de former leurs homologues burundais au respect et à la protection des droits humains.

Une approche aux antipodes de celle des Américains qui se battent, becs et ongles, au Conseil de Sécurité, pour que soit déployée une force plus massive d’au moins 3.000 policiers, conformément à l’une des recommandations du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon.

Une proposition évolutive de la France voudrait qu’il soit déployé au Burundi, dans un premier temps, quelque 228 policiers en appui technique aux responsables locaux des droits de l’homme et à la dizaine d’observateurs de l’Union africaine (Ua) déjà sur place.

De l’avis des analystes à Bujumbura, la solution la plus sûre face aux atermoiements de la Communauté internationale, viendra des Burundais eux-mêmes, pour peu qu’ils acceptent de se mettre autour d’une même table de dialogue, « sans exclusive ni pré-condition ».

Le nouveau médiateur adjoint et ancien président tanzanien, Benjamin William M’Kapa, a déjà envoyé des invitations aussi bien à l’opposition qu’au pouvoir burundais pour qu’ils se retrouvent, du 2 au 5 mai prochain à Arusha, une ville hautement symbolique du nord de la Tanzanie pour avoir donné naissance, en août 2000, à un accord inespéré de sortie de la longue guerre civile de 1993 à 2006.

La médiation en chef de l’actuel chef de l’Etat ougandais, Yowri Kaguta Museveni, ne décollait pas depuis la dernière prise de contact, fin décembre 2015, avec les différentes parties burundaises.

La Communauté de l’Afrique de l’Est a décidé, le 22 mars dernier, de la renforcer par celle de l’ancien chef de l’Etat tanzanien, William Benjamin M’Kapa, qui a déjà une expérience des négociations d’Arusha qui ont débouché sur l’accord de paix et de réconciliation au Burundi, en 2000, au moment où il était encore aux affaires.

Ce n’est toutefois pas gagné d’avance quand on s’en tient au refus renouvelé du pouvoir burundais de s’asseoir ensemble, le mois prochain, avec ceux de l’opposition qui ont orchestré le "mouvement insurrectionnel" contre le troisième mandat présidentiel et la tentative de putsch manqué de l’année dernière.

A la veille du premier round des pourparlers inter-burundais, le Conseil national pour la défense de l’accord d’Arusha et la restauration de l’Etat de droit (Cnared, principale plate- forme de l’opposition interne et en exil) s’est choisi de nouveaux leaders aux positions également radicales.

Le nouveau président du Cnared et vieux routier de la politique nationale, Jean Minani, a placé les enchères assez haut, à la veille du rendez-vous d’Arusha.

Le médecin-gynécologue de formation et l’un des rares rescapés du putsch militaire de 1993, a prescrit un remède forcément amer au pouvoir burundais, en laissant entendre que parmi les priorités de l’opposition figurait la mise en place d’un gouvernement de transition pour préparer de nouvelles élections "plus consensuelles", sans toutefois la participation de l’actuel chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza.

L’opposition est encore favorable à une présence massive de forces étrangères d’intervention de la taille d’au moins 5.000 militaires et policiers, comme le proposait vers la fin de l’année dernière, le conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine (Ua), avant d’essuyer une fin catégorique de non-recevoir de la part du pouvoir burundais.

"Songez plutôt à 2020", la prochaine échéance électorale au Burundi, a répliqué, de son côté, l’actuel patron du Conseil national pour la défense de la démocratie/forces de défense de la démocratie (Cndd-Fdd, parti présidentiel) et président de l’Assemblée nationale, Pascal Nyabenda.