Guinée-Conakry : le chef de l'opposition choisi comme Premier ministre
Afrique

@rib News, 20/01/2010 – D’après Associated Press et Reuters

Jean-Marie DoréLa junte militaire guinéenne a choisi le responsable de l'opposition Jean-Marie Doré comme Premier ministre, une mesure cruciale qui ouvre la voie à une transition vers la démocratie, avec des élections qui doivent être organisées dans les six prochains mois.

Le chef de la junte militaire, le capitaine Moussa "Dadis" Camara, a accepté de rester en exil volontaire au Burkina Faso après avoir été soigné au Maroc et le général Sekouba Konaté a été choisi pour assurer l'intérim et superviser l'organisation d'élections dans les six mois.

Le dirigeant syndical Rabiatou Serah Diallo et le général Toto Camara ont en outre été nommés vice-Premiers ministres.

Agé de 70 ans, Jean-Marie Doré est un militant de longue date de l'opposition. Candidat malheureux à la présidentielle face à Lansana Conté en 1993 puis en 1998, il n'a jamais été ministre dans un gouvernement.

Doré, qui dirige l'UPG (Union pour le progrès de Guinée) est, comme le chef de la junte militaire Moussa "Dadis" Camara, originaire de la région Forestière (Est du pays), où vivent plusieurs ethnies minoritaires.

Après la mort de Conté, Doré, qui est par ailleurs une personnalité du Forum des forces vives (FFV, mouvement en faveur de la démocratie), a joué un rôle de premier plan dans les négociations avec la junte.

Jean-Marie Doré s'était ouvertement interrogé sur la capacité du chef de la junte à diriger le pays après la tentative d'assassinat dont il a été victime le mois dernier. Il faisait aussi partie des dizaines de milliers de personnes qui s'étaient rassemblées dans un stade de la capitale en septembre dernier pour protester contre le chef de la junte.

Des membres de sa garde présidentielle avaient alors ouvert le feu sur la foule, tuant au moins 156 personnes. Des dizaines de femmes avaient été violées et Jean-Marie Doré avait lui-même été roué de coups par les hommes de Camara. Il garde chez lui un sac contenant les vêtements qu'il portait ce jour-là, maculés de sang.

Le capitaine Camara et le président par intérim, le général Sekouba Konaté, se sont mis d'accord sur le nom de Jean-Marie Doré, selon Idrissa Cherif, le ministre de l'Information de la junte qui a pris le pouvoir lors d'un putsch il y a un an.

"Jean-Marie Doré a été choisi en collaboration étroite entre les deux hommes et en présence de (Blaise) Compaoré", le président du Burkina Faso où le capitaine Camara est en convalescence, a-t-il ajouté.

"Il n'a pas été choisi simplement en raison de son expérience, mais aussi en raison de sa connaissance de la politique guinéenne", a ajouté une source proche de la junte.

D'après Idrissa Cherif, les deux hommes ont choisi 30 membres du gouvernement, répartis également entre la junte au pouvoir, l'opposition et les intellectuels guinéens. Chaque groupe a reçu 10 postes, a-t-il précisé.

Le général Konaté, qui a persuadé Moussa "Dadis" Camara d'accepter la transition vers un régime civil, est rentré mardi à Conakry sous très haute protection. Il a passé les six derniers jours au Burkina Faso à négocier le départ de l'homme fort de la junte.

A un moment, Konaté avait rédigé une lettre de démission de quatre pages, Moussa "Dadis" Camara ne semblant pas accepter de quitter le pouvoir. Mais sous les pressions, ce dernier a finalement accepté la nomination d'un Premier ministre civil et la tenue dans les six mois d'élections multipartites dans lesquelles aucun membre de l'armée ne sera autorisé à se présenter.

L'opposition prévoyait de faire un accueil triomphal au général Konaté, et des milliers de Guinéens étaient attendus à l'aéroport. Mais mardi soir, un porte-parole du gouvernement a annoncé que seuls les membres du gouvernement seraient autorisés à l'accueillir.

Plusieurs centaines de soldats avaient été déployés autour de l'aéroport avant son retour, dans un climat tendu, de crainte que certains officiers ayant bénéficié des largesses de la junte militaire n'acceptent pas le retour d'un gouvernement civil.