Faux départ dans la nouvelle médiation est-africaine au Burundi
Politique

PANA, 30 avril 2016

 Bujumbura, Burundi - Des exigences de dernière minute sont à l’origine du report, sine die, des pourparlers inter-burundais de paix, initialement prévus pour débuter le 2 mai prochain à Arusha, en Tanzanie, sous la nouvelle médiation de l’ancien président tanzanien, William Benjamin M’Kapa, mandaté récemment par la Communauté de l’Afrique de l’est/East african community (CEA/EAC), apprend-on auprès des parties concernées.

On assiste presqu’au même scénario qui avait prévalu à la veille des précédentes négociations d’Arusha entre le pouvoir de l’ancien chef de l’Etat burundais, Pierre Buyoya, et l’opposition de l’époque, dans le but de mettre fin à la guerre civile des années 1990-2000, sous la médiation de l’ancien président tanzanien, Julius Nyerere.

Le major Buyoya, de la minorité ethnique des Tutsi, avait hésité jusqu’à la dernière minute de s’asseoir à la même table des négociations avec des représentants du Conseil national pour la défense de la démocratie/forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), une ancienne principale rébellion issue de la majorité ethnique des hutu, actuellement au pouvoir à la faveur d’un accord global de cessez-le-feu de 2003, puis par les urnes.

Un embargo économique total de la communauté internationale avait fini par faire fléchir le régime du Major Buyoya et ne sera levé qu’à la signature de l’accord d’Arusha, en même temps socle de la paix sociale retrouvée au cours de ces 15 dernières années, grâce à un meilleur partage du pouvoir entre les différentes composantes sociopolitiques et ethniques jusque-là antagonistes du pays.

Aujourd’hui, du côté de la médiation tanzanienne, on assure que "ce n’est que partie remise" et que de nouvelles consultations vont avoir lieu sur un certain nombre de points encore litigieux entre les protagonistes d’une grave crise partie, en avril dernier, d’un conflit électoral entre le pouvoir et l’opposition.

La médiation tanzanienne peut se consoler, en attendant, du report qui a été salué à la fois par le pouvoir et l’opposition.

Au début de ce mois, le nouveau médiateur avait consulté le président burundais, Pierre Nkurunziza, à Bujumbura, après des détours par Kampala et Kigali, deux capitales ougandaise et rwandaise devenues incontournables dans le règlement de la crise au Burundi.

Le chef de l’Etat ougandais faisait récemment encore cavalier seul dans la médiation, tandis que le Rwanda est régulièrement accusé d’être devenu la principale source d’instabilité politique au Burundi en entrainant militairement et en armant des jeunes réfugiés pour le compte de l’opposition, ce dont se défend Kigali.

Nombreux sont les observateurs qui misaient sur l’entrée en scène du médiateur tanzanien pour donner un élan nouveau au processus inter-burundais de paix, mais c’était sans compter avec les « exigences » des uns et les « caprices » de la part des protagonistes imprévisibles de la tenace et complexe crise au Burundi.

A la réception de la lettre d’invitation du médiateur tanzanien au rendez-vous du 2 au 6 mai prochain, la partie gouvernementale s’était montrée surprise pour n’avoir pas été préalablement consultée à la fois sur la « date, le lieu et la liste » des participants.

Le gouvernement a encore annoncé la couleur en se refusant, à priori, à toute discussion ouverte à ceux de l’opposition ayant eu un rôle à jouer dans le "mouvement insurrectionnel" des "anti-troisième mandat" présidentiel et dans la tentative de putsch manqué qui a suivi, en mai 2015.

De son côté, le Conseil national pour la défense de l’accord d’août 2000, à Arusha, pour la paix et la restauration de l’Etat de droit (CNARED) menace de boycotter le prochain rendez-vous des pourparlers de paix avec le pouvoir, aussi longtemps qu’il n’aura pas été invité en tant qu’entité politique unique.

Le médiateur n’avait invité que cinq des 25 partis qui composent cette principale plate forme de l’opposition interne et en exil, « sans que l’on sache les critères de sélection », s’est étonné le porte-parole du CNARED, Jérémie Minani.

Une exigence irrecevable, là aussi, pour le pouvoir burundais qui ne reconnait pas le CNARED en tant que « coalition » dûment reconnue par les lois du pays.

Le bras de fer est engagé entre le pouvoir et l’opposition dans l’indifférence de nouvelles sanctions économiques de la communauté internationale qui pénalisent lourdement la population.

Les plus significatives de ces sanctions sont celles de l’Union européenne (UE) et principal bailleur de fonds traditionnel qui a gelé des appuis financiers directs au budget de l’Etat burundais pour un montant global de quelque 430 millions d’euros sur la période allant de 2015 à 2020.

Les occidentaux attendent du pouvoir burundais des « engagements suffisants » en faveur d’un dialogue « inclusif et sincère » de sortie de crise avec l’opposition, avant de lever leurs sanctions. Les Américains sont sur la même lancée de sanctions économiques et financières encore ciblées.