Verdict sévère contre les putschistes : "Un message lancé à tous les opposants"
Justice

RFI, 10-05-2016

Burundi : peines alourdies pour les putschistes en appel

Au Burundi, 21 officiers de l’armée et de la police ont été condamnés, ce lundi 9 mai, à la prison à vie pour leur implication dans la tentative de coup d’Etat contre Pierre Nkurunziza, en mai 2015.

L’arrêt, en appel, de la Cour suprême rendu à Gitega, au centre du pays, condamne également cinq soldats et policiers à deux ans de prison et en acquitte deux autres. [Photo : Le général Cyrille Ndayirukiye, principal instigateur du coup d'Etat des 13 et 14 mai 2015 arrive à la cour d'appel de Gitega, le 11 avril 2016.]

Cet arrêt s'avère être beaucoup plus sévère qu’en première instance avec des peines plus lourdes et des personnes acquittées finalement condamnées en appel.

En première instance, seuls quatre généraux dont le numéro deux de la tentative de coup d'Etat Cyrille Ndayirukiye avait écopé de la perpétuité. Neuf autres officiers avaient été condamné à 30 ans de prison, huit hommes de troupe à cinq ans et sept personnes avaient été acquittées.

Cette fois, les juges de la Cour suprême ont eu la main lourde. Vingt et un des 28 accusés ont été condamnés à la prison à vie dans un procès qu’un observateur international n’a pas hésité à qualifier d’« inique ».

Parmi eux, le colonel à la retraite, Jean-Bosco Daradangwa, à qui il a été reproché un échange de mails avec le général Ndayirukiye. La pilule a été particulièrement amère pour lui. Chargé de sécurité dans une compagnie aérienne internationale, celui-ci avait expliqué avoir contacté le chef putschiste pour des raisons professionnelles. Acquitté au premier degré, il est condamné, lui aussi, à la prison à vie.

Enfin, les premiers juges n’avaient pas voulu se prononcer sur la question des dommages et intérêts aux parties civiles. Cette fois, cette chambre d’appel, dirigée par la vice-présidente de le la Cour suprême, Domine Banyankimbona, réputée proche du pouvoir, n’y est pas allée de main morte. En effet, les condamnés sont également astreints à payer plus de 6 milliards de francs burundais, l’équivalent de 3,4 millions d’euros, notamment à l’armée, la police, le parti au pouvoir et la Radio Rema qui lui est proche.

Et comme au premier degré, les principaux accusés ont comparu sans aucune assistance, leurs avocats ayant été récusés par la Cour suprême.

En réaction de cet arrêt, Maitre Jean Claude Ntiburunusi, avocat de six des 28 hommes qui étaient dans le box des accusés se dit très déçu, mais ne compte pas baisser les bras. Il promet de se pourvoir en cassation.

Jean Claude Ntiburunusi : « Nous avons toujours l'espoir que le juge de cassation pourra nous réserver un miracle. »

Un message lancé à tous les opposants

Il s’agit d’un verdict qui sonne comme un message lancé à tous les opposants burundais, alors que le Burundi est plongé dans une crise profonde depuis plus d’une année. Ce verdict voulu par le pouvoir burundais est aussi un signal fort pour ceux qui étaient à la tête des manifestations contre le troisième mandat du président Pierre Nkurunziza et qui font l’objet de mandats d’arrêt internationaux.

Une vingtaine de leaders d’opposition, de figures de la société civile et de responsables des médias indépendants sont toujours accusés d’être les instigateurs d’une insurrection armée, mais aussi d’avoir pris part à la tentative de coup d’Etat manqué des 13 et 14 mai 2015, au plus fort de la contestation.

Et pour Bujumbura, pas même besoin de preuves car c’est une évidence, ce qui permet du coup au régime du président Pierre Nkurunziza de continuer à refuser catégoriquement tout dialogue avec ceux qu’il qualifie de « criminels putschistes ». Et ceux-ci sont prévenus. Ils savent désormais à quoi s’en tenir s’il leur prenait l’envie de rentrer au Burundi.