SOS Médias Burundi : un an d'information, à très hauts risques
Société

RTBF, 13 mai 2016

Il y a un an, au Burundi, des militaires tentaient un coup d'état pour renverser le président Pierre Nkurunziza. Ce putsch a échoué, puis provoqué une vague de répression contre les médias en particulier. Avant la crise, le Burundi comptait pourtant une série de radios indépendantes, très dynamiques. Elles ont toutes été fermées ou détruites. Pour continuer à informer la population burundaise, un collectif spontané de journalistes s’est formé il y a un an tout juste. Il s’appelle SOS médias Burundi.

Presque dans la clandestinité

Derrière ce collectif, des journalistes très discrets. On ignore leur nombre. Ils travaillent tous ou presque dans la clandestinité. Nous avons contacté l’un de ces reporters, il témoignage de manière anonyme: "On travaille dans la clandestinité, mais ce n’est pas la clandestinité totale. Parce que nous sommes des journalistes qui sommes issus des médias différents, la plupart de ceux qui ont été détruits l’année dernière [ …]. Comme on avait des contacts à nous, des sources à nous, des gens qui nous faisaient confiance, avant que nos médias ne soient détruits, on a continué avec SOS Médias Burundi. Nous, bien sûr, on doit vérifier toutes les informations qui nous parviennent. Et c’est comme ça que l’on peut donner une information équilibrée et vérifiée."

Ces journalistes sont armés seulement de leur smartphone pour photographier, enregistrer. Ils prennent d’énormes risques pour récolter l’information. Certaines mènent une double vie, se rendent sur les lieux chauds, en essayant de ne pas se faire repérer.

Le journaliste de SOS Médias Burundi nous explique: "A plusieurs reprises, j’ai reçu des menaces, certains agents croisés sur le terrain m’ont menacé, ils ont pointé le pistolet sur moi. Mais je dois aussi avouer que certains officiers de la police comprennent que le rôle du journaliste est de chercher la vérité. Plusieurs officiers sur le terrain ont aidé des journalistes sur le terrain pour qu’ils fassent leur travail. Aujourd’hui, on remercie Dieu, même si les menaces ne manquent pas."

Les risques sont importants. Le travail de ces journalistes, rigoureux. Chaque jour, ils tiennent une réunion de rédaction secrète, en liaison avec leurs responsables qui les encadrent depuis l’Europe.

Des faits vérifiés, pas de rumeurs

La ligne éditoriale est stricte: des faits vérifiés, recoupés. Aucune prise de position, aucun commentaire. La rumeur est bannie. "C’est dans ce contexte qu’est né SOS Médias Burundi. Parce qu’il y avait une propagation de rumeurs, à une échelle très poussée. De nombreuses personnes manipulent l’information. Que ce soit de la part de l’opposition, que ce soit le pouvoir, chacun modifie l’information à ses fins et c’est très dangereux. Vous savez, une information quand elle est donnée, l’opposition et le pouvoir essaient de la récupérer pour ses fins. C’est pour cela que l’on a jugé bon de mettre sur pied un média qui peut contrecarrer ça."

La plateforme SOS Médias Burundi se veut irréprochable. Elle dispose d'une page Facebook, un compte twitter et un site internet qui diffuse des interviews via Souncloud.

Alors évidemment, dans un pays les plus pauvres du monde, ou 1% à peine de la population a accès à l'internet, SOS médias Burundi s'adresse surtout à la diaspora et à la communauté internationale.

Des journalistes burundais installés au Rwanda

Les journalistes burundais sont en danger. Récemment, un ministre les mettait en garde, les accusant de déformer la réalité, et de ternir l'image du pays à l'étranger : "Nous avons constaté que ici et là dans certains médias, il y a des informations erronées, mensongères qui sont données sur le Burundi et des informations qui finissent par ternir l’image de marque du Burundi. Les Journalistes devraient éviter toute information qui divise les Burundais. Les journalistes devraient éviter toute information qui fait que les Burundais fuient sans raison ".

Beaucoup de journalistes burundais ont fui au Rwanda voisin. Une cinquantaine environ, qui se retrouvent pour produire deux heures d'émission quotidiennes en kirundi sur une radio rwandaise qui les héberge et leur offre ce temps d'antenne.

Ces émissions sont écoutées par les dizaines de milliers de Burundais réfugiés au Rwanda, mais elles sont captées aussi dans le nord du Burundi.

Françoise Wallemacq