Burundi : vers des "consultations séparées" et non des "négociations directes"
Politique

PANA, 19 mai 2016

Surenchères politiques à la veille d’un nouveau rendez-vous crucial pour la paix au Burundi

Bujumbura, Burundi - Les enchères politiques sont montées d’un cran, jeudi, entre les différents protagonistes de la crise politique au Burundi qui doivent, en principe, rencontrer séparément le nouveau médiateur et ancien président tanzanien, Benjamin William M’Kapa, du 21 au 24 mai prochain à Arusha, une ville du Nord de la Tanzanie, apprend-on des concernés.

On ne compte plus le nombre de médiateurs étrangers qui se sont essayés, sans succès à ce jour, à la crise burundaise née en avril 2015 d’un conflit électoral mal résolu entre le pouvoir et l’opposition et dont le pourrissement fait craindre à la Communauté internationale un retour à une nouvelle guerre civile.

Le dernier médiateur en date étant l’actuel chef de l’Etat ougandais, Yoweri Kaguta Museveni, qui ne manquait pourtant pas d’atouts en tant qu’ancien président de l’initiative régionale de consolidation de la paix au sortir de la guerre civile de 1993 à 2006 au Burundi où l’on compte déjà autour de 500 tués et plus de 270.000 réfugiés.

Plus récemment encore, des divergences de fond et de forme entre les parties prenantes au conflit burundais avaient fait capoter un premier rendez-vous du 2 au 5 mai dernier dans la même ville tanzanienne d’Arusha.

La partie gouvernementale avait émis de sérieuses réserves, surtout sur les participants, poussant le médiateur fraîchement désigné par la Communauté de l’Afrique de l’Est/East african community (Cae/Eac) à concéder un report des discussions.

Le nouveau rendez-vous ne s’annonce pas non plus sous de bons auspices, à en juger à certaines exigences des parties prenantes aux pourparlers inter burundais de paix en vue.

Du côté du pouvoir, le responsable de la communication à la Présidence de la République, Willy Nyamitwe, s’est chargé d’une mise au point, jeudi, sur les ondes de la radio nationale, à commencer par la nature même de la rencontre prochaine qui sera consacrée à des "consultations séparées" avec le médiateur, et non à des "négociations directes" avec l’opposition.

Cette "animosité" entre les différents protagonistes de la crise burundais semble avoir été mesurée par le médiateur qui annonce une plénière après avoir fait le tour des protagonistes de la crise, en commençant d’abord avec la partie gouvernementale, ensuite l’opposition, puis la société civile.

Concernant les participants, M.Nyamitwe a réitéré le refus catégorique du pouvoir de parler avec ceux de l’opposition qui ont orchestré les manifestations de 2015 contre le troisième quinquennat de l’actuel chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, et la tentative de putsch manqué qui a suivi.

"La place de ceux-là est devant la justice et non à la table des discussions", de l’avis tranché du chargé de la communication à la Présidence de la République du Burundi.

La justice burundaise a déjà émis des dizaines de mandats d’arrêt internationaux contre des opposants et des responsables de la société civile en exil à l’étranger.

D’après Milly Nyamitwe encore, l’opposition "aux mains propres" est, par contre, la bienvenue à la table des discussions, tout en balisant, là aussi, le terrain.

Son rôle se limitera à enrichir les conclusions du débat politique interne de ces cinq derniers mois, mais qui n’avait pas vu la participation des principaux opposants politiques ayant pris le chemin de l’exil à l’étranger.

A la veille du rendez-vous d’Arusha, le Conseil national pour la défense de l’Accord d’août 2000, à Arusha, en Tanzanie, sur la paix, la réconciliation et la restauration de l’Etat de droit (Cnared, principale plateforme de l’opposition interne et en exil) a eu également son mot à dire.

La coalition suspecte, notamment, le médiateur de vouloir l’affaiblir en ne l’invitant pas en tant qu’"entité unique" mue par le même objectif de réhabiliter l’Accord d’Arusha qui a été, à ses yeux, violé par le troisième mandat présidentiel alors que le texte n’en prévoyait que seulement deux.

Dans ces conditions, "nous n’irons pas à Arusha", peut-on lire dans un bref communiqué de cette coalition née de la mauvaise conjoncture politique du moment et qui n’est pas reconnue par le pouvoir burundais.

L’opposition place encore la barre assez haut, en réclamant d’Arusha, un débat sur un gouvernement de transition chargé de préparer de nouvelles élections plus consensuelles que celles de 2015, une fois de plus, contre l’avis du pouvoir burundais qui estime plutôt que ce chapitre électoral a été déjà clôturé en beauté.

L’arrêt des hostilités entre le pouvoir et l’opposition armée, le rapatriement de plus de 270.000 réfugiés burundais, la réhabilitation des libertés publiques, notamment les médias privés indépendants ou encore la libération de milliers de détenus politiques sont autant d’autres sujets que l’opposition juge prioritaires.