Elyse Ngabire échange sur le Burundi avec des élèves du Sud de la France
Droits de l'Homme

Sud Ouest, 30/05/2016

Peyrehorade (40) : récit d’une journaliste burundaise en exil

Publié le 26/05/2016. Mis à jour le 30/05/2016

 Des élèves attentifs et curieux et leur professeur de français ont accueilli une journaliste du Burundi en exil, Elyse Ngabire, dans leur salle de classe....

C'est une militante optimiste, combative et résolue qui est venue répondre aux questions de trois classes de seconde professionnelle (aéronautique et chaudronnerie) du Lycée Jean-Taris de Peyrehorade, dans le cadre d'un projet scolaire intitulé Renvoyé spécial, avec le soutien du Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (Clemi) et de la Maison des journalistes (MDJ). [Photo : Elyse Ngabire a captivé les jeunes élèves. © J. Ch.]

Les élèves avaient élaboré un questionnaire pendant les cours. Elyse Ngabire a d'abord fait un long exposé sur la situation politique au Burundi, en parallèle avec sa propre histoire comme journaliste à l'hebdomadaire « Iwacu », avec lequel elle continue de collaborer depuis son exil.

La fuite pour un article

Elle a raconté aux élèves la succession d'événements qui l'ont amenée à fuir et à trouver refuge en France. Depuis le début des années 2000, le pouvoir burundais a fait alterner des périodes de liberté d'expression et d'autres de répression pour les médias de ce pays, avec fermetures de radios et arrestations de journalistes, comme en 2015. En août 2015, le président Pierre Nkurunziza a entamé son troisième mandat et a prêté serment en promettant la reprise du dialogue avec la classe politique et les différents protagonistes du conflit burundais afin de mettre en place un gouvernement d’union nationale.

La nomination des membres du gouvernement, explique Mme Ngabire, quelques jours après la prestation de M. Nkurunziza était une violation de la parole tenue.

L'article intitulé « Fini le dialogue » de la journaliste d' « Iwacu », qui avait pris au mot ces promesses, a déplu profondément au pouvoir en place. Poursuivie par des personnes travaillant pour le Service des Renseignements burundais, elle a dû fuir à Paris où elle est arrivée en septembre 2015. Elle sera accueillie fin décembre à la MDJ.

Pour elle, le problème va au-delà des ethnies comme une certaine opinion veut le faire croire, mais réside surtout dans l'acharnement d’une clique autour de l’actuel président à se maintenir au pouvoir à tout prix, en violation de la Constitution et de l’Accord d’Arusha signé en 2000. La crise actuelle, poursuit-elle, est au départ idéologique.

« 600 tués depuis 2015 »

Un élève lui demande quel message elle veut faire passer. Elyse Ngabire précise alors que « depuis mai 2015, plus de 600 personnes ont été tuées. Il y a des massacres, des assassinats chaque jour, uniquement pour conserver le pouvoir d'un seul individu. C’est déplorable. Il faut que le sang versé s'arrête et que les journalistes burundais rentrent et travaillent pour le peuple. Nous ne sommes pas des ennemis du pouvoir mais les voix des sans voix. »

Les réponses qu'elle donne aux questions posées montrent sa détermination et la force de son engagement. Ainsi, quand on lui demande si elle ne regrette pas, Elyse Ngabire affirme qu'elle a préféré l'exil plutôt que de se taire.

Les jeunes interlocuteurs ont été étonnés et sans doute quelque peu décontenancés par cette confrontation en direct avec une telle réalité. Avec leur professeur, ils ont trouvé là matière à discuter sur la liberté d'expression, l'engagement et les rencontres politiques.