Burundi : L'opposition craint une chasse à l'homme
Sécurité

RFI, 03-06-2016

Ultimatum du président burundais : un discours «va-t-en guerre» pour l'opposition

L'opposition dénonce un discours va-t-en guerre après l'avertissement lancé par le président burundais, ce mardi 31 mai. En déplacement à Mugamba, à 90 kms au sud de la capitale, Pierre Nkurunziza a donné 15 jours aux rebelles pour rendre les armes. Mugamba est l'une des communes où l'on signale le plus de violences.

Depuis des mois, les habitants de Mugamba dénoncent l'insécurité qui règne dans la commune et dans les environs. Officiellement, aucun groupe rebelle n'a été identifié. Les autorités parlent plutôt de bandits armés, de délinquants. Mais plusieurs groupes rebelles sont présents dans la région, notamment les Forebu et le mouvement Red Tabara qui contestent la réélection du président Nkurunziza.

Mugamba se trouve à un emplacement stratégique, dans une zone difficile d'accès, montagneuse et entourée de provinces où l'on a aussi enregistré des attaques depuis le début de l'année. Bref, une zone où les groupes rebelles peuvent plus facilement échapper aux forces de l'ordre.

C'est également une région d'où sont issus beaucoup d'ex-FAB, des militaires de l'ancienne armée qui était dominée par les Tutsis. Enfin, le parti au pouvoir le CNDD-FDD n'est pas très présent politiquement dans cette zone. On peut penser que les rebelles pourraient donc plus facilement y trouver un soutien parmi la population.

Poursuites contre les soutiens aux rebelles, amnistie pour les autres

Désormais, les habitants sont prévenus : tous ceux qui les soutiennent s'exposent à des poursuites. Le pouvoir veut rétablir la sécurité dans la région dans les deux mois maximum. Et si les rebelles n'ont pas rendu les armes dans 15 jours, alors les autorités utiliseront la force.

En revanche, ceux qui acceptent de se rendre bénéficieront d'une amnistie et de ce que les autorités appellent « une formation ». « Le ministère de l'Intérieur et de la formation patriotique a mis en place des centres de formation civique et patriotique, explique le porte-parole adjoint du président burundais, Jean-Claude Karerwa. Il s'agit d'un programme de formation sur le bon voisinage et sur les droits de la personne humaine. C'est aussi une formation en matière d'entrepreunariat pour permettre à ces personnes de reprendre le cours normal de la vie. »

Concrètement, les personnes qui acceptent de se rendre passeront toute la durée de la formation dans ces centres. « Une fois la formation achevée, ils peuvent créer leurs propres associations, leurs propres entreprises ou postuler à des emplois çà et là », poursuit M. Karerwa. Pour lui, leur situation est donc comparable à des élèves du secondaire sous régime d'internat. « Ils restent à l'internat sauf quand ils se rendent en vacances ou à la fin de la formation, de l'éducation. »

L'opposition craint une chasse à l'homme

Du côté de l'opposition en exil, l'avertissement du président inquiète. Le porte-parole du Cnared Jérémie Minani redoute une chasse à l'homme à Mugamba et dans les environs.

« Il est vrai qu'il y a eu des actes de violence ces derniers mois, mais nous savons que derrière ces actes de violence il y a le main du régime », dénonce-t-il. Selon lui, « le régime veut toujours simuler des attaques pour ensuite les attribuer à l'opposition, ce qui lui permet de discréditer les opposants et d'accroitre la répression. Il va absolument y avoir des rafles de jeunes qui sont la plupart des fois exécutés de sang-froid, d'autant qu'ils disparaissent dans des circonstances qui ne sont pas élucidées jusqu'à présent. »

M. Minani assure avoir observé « ces derniers jours des exécutions et assassinats ciblés de militaires hauts-gradés. Surtout des ex-FAB, ceux qui ne sont pas issus de la rébellion. Je pense que le président Nkurunziza veut toujours dire à la population : "Vous voulez me soutenir ? Acceptez ce troisième mandat. Sinon mes services viendront vous liquider. Ceux qui s'y opposent se verront châtier." C'est simplement le message qui est derrière. »