Rwanda : Analyse critique du rapport Mutsinzi sur l’attentat du 6 avril 1994
Analyses

@rib News, 27/01/2010

Analyse du rapport Mutsinzi sur l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion présidentiel rwandais

Filip Reyntjens

Filip ReyntjensRésumé

Le rapport de la commission Mutsinzi a pour objet de démontrer que l’avion du président Habyarimana n’a pas été abattu par le FPR, comme l’a conclu l’instruction du juge français Bruguière, mais par des radicaux hutu proches de la principale victime. Le rapport soulève nombre de questions importantes.

Le comité Mutsinzi se targue de son impartialité mais tous les commissaires sont membres du FPR, ce qui le rend juge et partie. Ceci est très clair dès les premières pages et se confirme à travers l’ensemble du rapport, puisque l’enquête ne va que dans une seule direction, celle des extrémistes hutu, alors que les données mettant en cause le FPR sont systématiquement ignorées.

Le comité dit avoir interrogé des centaines de témoin, mais la crédibilité de leurs déclarations est sujette à caution. Parmi ceux identifiés, des dizaines sont des membres de l’ancienne armée gouvernementale FAR ; entendus dans un contexte de crainte d’arrestation ou pire et sachant très bien ce que ceux au pouvoir voulaient leur entendre dire, leurs témoignages ne sont guère probants.

De nombreux exemples dans le rapport montrent que la méthode employée par le comité n’est pas sans soulever de sérieuses réserves: celui-ci présente d’abord des hypothèses non prouvées voire même des contrevérités comme des faits, et l’accumulation de ces « faits » permet ensuite de dégager la « vérité ». La conclusion à laquelle aboutit le comité ne trouve pas de fondement crédible dans les données qui se dégagent de l’enquête.

Nous sommes dès lors aujourd’hui confrontés à deux « vérités » sur l’attentat : celle issue de l’instruction Bruguière et celle du rapport Mutsinzi. Les deux indiquent des suspects, même s’ils sont différents, et constatent qu’un crime a été commis. La façon naturelle pour aborder un problème pareil est de mener un débat contradictoire devant une juridiction pénale. Il semble cependant que tant le Rwanda que la France, souhaitant normaliser leurs relations, soient entrainés à sacrifier l’exigence de justice à  l’opportunisme politique. Le peuple rwandais mérite mieux.

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