Au Burundi, des enfants emprisonnés pour des gribouillages
Droits de l'Homme

Libération, 9 juin 2016

Onze lycéens ont été arrêtés et emprisonnés à Muramvya (photo), pour avoir griffonné sur le visage du président, dans leurs manuels scolaires.

Des cornes, une moustache ou quelques grains de beauté. Enfant, on s'est tous amusé à grimer la photo d'une célébrité dans un magazine. Au Burundi, c'est pour quelques gribouillages sur l'image du président Pierre Nkurunziza, dans des manuels scolaires que six jeunes filles et cinq garçons ont été inculpés à Muramvya.

Interpellée vendredi dernier par le service national de renseignements pour « outrage », la moitié de ces lycées, âgés de 14 à 18 ans, a été remise en liberté provisoire mardi. Ils attendent leur procès.

Le procureur général du Burundi a dénoncé une « offense au chef d’État de la part de délinquants ». Pour ce chef d’accusation, ils encourent des peines allant de 6 mois à 5 ans de prison et des amendes de 10 000 à 50 000 francs burundais. Des sommes importantes dans ce pays.

Une violation des textes internationaux

Depuis vendredi, les jeunes étaient retenus dans le quartier pour mineurs de la prison de Muramvya. Un fait que dénonce l’Unicef. Sur RFI, le porte-parole Christophe Boulierac a souligné la violation des textes internationaux. « Depuis le début de la crise, en avril 2015, il y a 300 enfants qui ont été détenus de manière arbitraire ». L'organisme de défense des droits des enfants n’a pas manqué de préciser que le Burundi avait ratifié sa convention. Le texte stipule en effet qu’aucun enfant ne doit être détenu dans une prison pour adultes.

L’émoi provoqué par ces arrestations est fort dans le pays. Du côté des parents et des avocats, on rappelle que rien ne prouve l’implication des lycéens arrêtés puisque les manuels sont partagés et échangés entre les classes et dans les établissements. La détention et les risques encourus sont également jugés demésurés, d'autant que les jeunes ont déjà été contraints de rembourser les ouvrages.

Dès les premières arrestations, une centaine d'étudiants a manifesté pour réclamer la libération de leurs camarades. Lors du rassemblement, les policiers ont tiré plusieurs coups, blessant deux lycéens et un motard.

Sur les réseaux sociaux, une campagne de soutien a été lancée avec le hastag #FreeourKids.

En soutien, certains internautes ont aussi décidé de partager des gribouillis sur la photo du président.

Le Burundi fait face à de nombreuses contestations depuis plus d’un an. En 2015, le président Pierre Nkurunziza, a été élu pour un troisième mandat, allant à l’encontre de la constitution du pays.

Par Audrey Fisné