Burundi : traitement judiciaire "disproportionné" de l’affaire des gribouillis
Droits de l'Homme

PANA, 24 juin 2016

Des défenseurs des droits humains préoccupés par la "turbulence" en milieu scolaire au Burundi

Bujumbura, Burundi - La Commission nationale indépendante des droits de l’Homme (Cnidh, gouvernementale) a rendu publique, vendredi, une déclaration qui recommande aux instances judiciaires habilitées de privilégier des "peines alternatives et modérées" à l’encontre des élèves de plusieurs écoles secondaires du pays qui ont été emprisonnés ou renvoyés à la maison pour avoir abîmé au stylo, le portrait du chef de l’Etat burundais, Pierre Nkurunziza, dans un manuel scolaire.

A la place du traitement judiciaire "disproportionné" de l’affaire généralisée des gribouillis, la Cnidh préconise plutôt des "travaux d’intérêt public" pour ramener les jeunes égarés à la raison.

Le portrait du Président Nkurunziza trône aux côtés de ceux de deux anciens rois du Burundi dans le manuel scolaire des sciences humaines utilisé en neuvième année du secondaire, sans toutefois subir le même acharnement.

Certains dans l’opinion parient sur l’effet contagion de la crise de plus d’un an entre "adultes" du monde politique sur le milieu scolaire burundais.

La déclaration de la Cndh s’est également préoccupée du trafic des êtres humains qui a porté sur l’exportation de 267 jeunes filles burundaises par des réseaux organisés, depuis le mois d’avril dernier, à destination de certains pays du Golfe, principalement l’Arabie Saoudite, le Sultanat d’Oman et le Liban, selon la police nationale des mineurs.

La sortie médiatique de la Cnidh coïncide avec celle, la veille, du haut commissariat des Nations unies aux droits de l’homme qui la critiquait pour n’avoir pas élevé assez la voix sur différents autres abus liés à la crise politique, en cours au Burundi, depuis avril 2015.

"La Commission nationale des droits de l’homme semble jouer, par moments, un rôle contraire aux principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme et compromet son indépendance", charge le rapport onusien.

D’un autre côté, "la commission a montré peu de disponibilité à coopérer avec le réseau national des observateurs des droits de l’homme pourtant conjointement mis en place, en mai 2015, par les Nations unies et le gouvernement burundais", revient à la charge, le haut-commissariat.

De manière générale, l’agence spécialisée des Nations unies en droits humains note que les principales violations et abus des droits humains qui ont été documentés, entre avril 2015 et fin avril 2016, avaient surtout trait aux "arrestations et détentions arbitraires », à la « torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants", aux "exécutions extrajudiciaires", aux "disparitions forcées" et aux "violences sexuelles".

Concernant les responsabilités dans ces différents abus et violations, le haut-commissariat les répartit entre des agents du pouvoir et ceux de l’opposition.

Les informations fournies par le bureau des Nations unies pour les droits de l’homme disent que ces violations et abus ont été commis  "en majorité par des membres des forces de défense et de sécurité, des jeunes Imbonerakure affiliés au parti au pouvoir".

Le haut-commissariat dit encore avoir observé une "nette augmentation des cas de tortures et de mauvais traitements dans les centres tenus par le service national de renseignement, des militaires ou des policiers à Bujumbura", la capitale burundaise.

Du côté de l’opposition, le haut-commissariat note qu’ « après la création de deux groupes d’opposition armés, le Forebu (Forces républicaines pour le Burundi), en décembre 2015, et le Red-Tabara (Résistance pour un Etat de droit), en janvier 2016, les attaques à la grenade et à main armée ont augmenté » dans le pays.

Le haut-commissariat doit présenter, en septembre prochain, le rapport final de deux missions d’évaluations menées au Burundi depuis le début de cette année, au conseil des droits de l’homme des Nations unies à Genève, en Suisse.

A ce moment, les représentants du gouvernement burundais, ceux des organisations locales et internationales œuvrant en faveur des droits humains, auront l’occasion d’apporter leurs observations sur le rapport onusien.